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Lieux #32

Il est dans toute terre un indicible et donc ici ainsi que dans toute terre puisque cette terre, n'en déplaise à qui penserait qu'elle est particulière, est exactement même que toutes les autres sous ses dehors différents, d'autres vêtements, une apparence qui ne trompe pas mais qui n'en fait pas une particulière. Tenter de dire ce qu'on ne peut pas dire, ce qui ne peut se dire non pas parce qu'on ne l'ose pas, mais bien parce que la langue ne parvient pas à le faire, ne suffit pas, est trop rudimentaire, pas assez affutée en fait, est exactement comme marcher dans les champs et courir derrière son ombre ou vers l'horizon ou après quelque oiseau tombé du nid robuste assez pour ne pas se laisser attraper et qui va parvenir des heures durant à nous échapper, s'envolant toujours gauchement au dernier moment pour retomber un peu plus loin et quelques mètres encore et puis comme cela jusqu'à ce que finalement, on mette la main dessus quand ce sera trop tard, il sera crevé d'épuisement, notre victoire fera un bel échec, l'animal mort ne sera plus qu'un tas tiède mou de plumes grises qu'on jettera sur le fumier avant de taper du pied dans un caillou de rage, tous nos efforts auront été inutile, la bête se sera tout de même échappée en y laissant la vie, et de même la terre, son indicible fait de silences et de paysages et de ces gestes qu'on ne saisit pas et qui restent dans nos mémoires et derrière lesquelles on court pour tenter de comprendre, on ne comprend rien, on ne dit rien en l'écrivant, la langue est inutile qui ne parvient qu'à maintenir le temps qu'on l'use le monde autour vaguement visible, et rien de plus, quel triste outil, et tant grossier avec ça, on se demande, à quoi ça sert.