(...) le cercueil raclant les murs puisqu'il avait été apporté dans la maison par la porte de la grange autrement plus large et prévue elle pour laisser passer les lourdes charrettes de foin de paille de regain non pas par l'ouverture classique que l'on voyait en bas des deux pans de planches mais par le trou béant qu'ouvraient les vanteaux au-dessus une fois qu'on défaisait les barres de fer derrière les maintenant fermés et assurant à l'ensemble sa tenue au vent et à la pluie au vent surtout qui pouvait bien quand ça lui prenait décorner les boeufs mais là ayant à sortir par la porte de devant la porte d'entrée celle du dimanche que personne n'empruntait sauf au nouvel An quand il s'agissait de porter les bons voeux il (le cercueil) s'avérait plus difficile à manier que prévu plus délicat à faire tourner et donc on entendait dans le silence que faisait la moitié du village assemblée devant la maison le grattement du bois verni à peine sec sur cette sorte de rape que faisait le crépi alors à la mode et qu'on posait sur la moitié basse du mur le haut étant laissé lissé et les deux parties étant séparées par une sorte de baguette qui marquait la délimitation entre ces deux textures sur lesquelles on laissait traîner ses doigts en jouant dans le couloir pas celui-là ce n'était pas chez nous là mais tous les couloirs de toutes les maisons étaient les mêmes et donc depuis le dehors tout le monde entendait exactement ce qui se jouait entre le bois et le mur d'autant que le bruit prenait toute l'ampleur qu'il voulait dans la caisse de résonance que constituait le couloir et que les porteurs concentrés sur la solennité du moment ne pouvaient pas se permettre d'user de leurs grosses voix pour commenter râler guider ceux de devant afin d'essayer de régler ce problème et que tout se passait donc dans une sorte de pantomime de gestes brusques retenus à peine et de jurons étouffés et de sanglots de la mère derrière qui regardait cette scène au bord de l'évanouissement et entendait comme nous maintenant dedans le corps qui bougeait malmené du fait des angles qu'il fallait faire prendre à l'encombrante boîte noire brillante...

(...) jusqu'à ce que le père excédé qui s'était tenu jusque là droit et digne auprès de sa femme décide dans un sursaut que ça suffisait et qu'il faudrait bien qu'on en finisse que la chose morte qu'était devenue sa fille sorte de cette maison aille pourrir ailleurs se détache d'eux les laisse vivre ce qui n'arriverait pas malgré tous leurs efforts ce qui fait que des années et des décennies après ils (les parents) en parleraient encore en toute occasion à croire qu'elle n'était pas morte et qu'elle allait à un moment ou à un autre descendre l'escalier confirmant que les craquements qu'on entendait à l'étage c'était bien elle qui marchait dans sa chambre et pas le bois les madriers du plancher qui gémissaient à mesure des changements de température de saisons d'heures de la journée et donc lui avec son béret à la main semblant soudain entrer dans une de ces colères sans bornes qu'on lui connaissait tendant le bras d'abord timidement puis plus franchement et posant sa main sur le bois à peu près là où devait se trouver de l'autre côté de la planche la tête sans vie de celle qui avait été sa fille commençant à pousser aussi naturellement que s'il s'était agi de dégager un tracteur de la boue commençant à pousser de plus en plus fort à s'arc-bouter les porteurs ne comprenant d'abord pas ce qui se passait puis en prenant la mesure n'osant pas protester n'étant pas chez eux n'étant pas le père de la morte étant sans doute aussi un peu soulagés que quelque chose se passe qui pourrait les sortir du ridicule de la situation le père ne cessant pas sa poussée semblant avoir perdu toute retenue maintenant posant son couvre-chef sur la boîte le calant sur la croix d'argent là comme prévue pour libérant ainsi sa seconde main être plus à l'aise avoir plus de forces poussant de plus en plus les porteurs se disant que c'était le moment les cinq hommes donc d'un coup se mettant à l'unisson et forçant sur les poignées tirant poussant jusqu'à ce qu'un grognement une sorte de déchirement vibrant de toute la caisse annonce qu'on progressait que le cercueil allait passer et d'un seul coup passant l'obstacle de la porte en gémissant les hommes presque perdant leur équilibre sous la surprise trébuchant l'ensemble la morte les quatre porteurs le père déboulant au-dehors le tout s'arrêtant heureusement au moment où le bas de la boîte vînt heurter le garde-fou en fer forgé qui longeait l'espèce de terrasse devant toute la façade couchée...

(...) qui avait fini par ne plus rien laisser derrière que des empilements branlants de pierres marquant encore mais à peine les lieux des maisons des fermes tout le village ressemblant maintenant à un tas de gravats immense qui aurait été laissé derrière par quelque géant ayant entamé puis abandonné sur un coup de tête des travaux dont on ne parvenait pas à comprendre ce qu'ils devaient être la route là-dedans dans ce maelström cheminant où elle pouvait suivant ce qui avait été son lit mais par endroits contrainte de contourner un effondrement s'enfonçant dans les décombres s'y perdant presque retrouvant par le biais d'une ouverture qui avait été sans doute une porte le chemin vers son propre chemin revenant à son tracé normal celui qu'on pourrait reconnaître des années après comme étant presque exactement celui du présent à croire que rien finalement n'avait changé ou presque que rien ne pouvait faire sortir la voie de son lit qu'elle était une sorte de fleuve revenant malgré ses débordements ses crues dans ce qui était le point exact où toutes les forces l'amenaient le village pouvant alors être vu avec ses maisons tel un chapelet d'îles d'îlots qui bougeaient à mesure du temps des constructions des démolitions celle-là cette fois relevant d'un massacre d'un nivellement obtenu à force de métal balancé depuis des altitudes où personne du village n'était jamais monté sur ce qui de là-haut devait ressembler à une carte d'état-major et à rien d'autre quelques carrés indiquant les maisons d'autres les champs au milieu une église la place et puis pas grand chose de plus et maintenant plus rien...

...qui n'apparaissaient n'émergeaient que lentement de l'obscurité à la faveur grâce à la lumière entrant maintenant par la porte n'acceptant de s'ouvrir que si l'on pensait à l'accompagner du pied elle (la porte) ayant fini légèrement défaussée par inscrire graver dans le dallage rouge gris du sol une sorte d'arc de cercle gris blanc que chaque ouverture approfondissait un peu plus l'odeur ensuite celle du salpêtre arrivant juste derrière tombant des murs... 

... sorte de poussière odorante comme du pollen le même ou presque qu'on regardait verser des pistils des fleurs mourantes sur les tombes autour de la chapelle ;

... sorte de poudre de perlimpinpin que les anges auraient laissé tomber derrière en fuyant au moment de l'ouverture de la porte ;

... mais d'anges il n'y avait pas ou bien collés dessinés sur les murs ou bien immobiles statufiés derrière la vierge tenant son fils à sa descente de croix elle on aurait pensé assise à genoux peut-être lui affalé en travers d'elle mort déjà tellement qu'on voyait bien qu'il n'y avait plus rien à faire les anges donc derrière armés montant la garde regardant entrer l'importun qui venait forçant la porte de lâcher dans le silence un son crissant strident celui du fer rayant le dallage qui n'en finissait pas de rebondir sur les murs emplissant l'espace haut et étroit d'un écho qu'on laissait s'éteindre avant de s'avancer...

(...) entourant l'homme mort l'homme mort mais pas encore mais vraiment même si tout le monde savait que ce n'était plus qu'une question de jours d'heures maintenant les voisins venant frapper doucement frapper aux carreaux de la cuisine doucement comme si ce bruit ce heurtement celui de leur doigt replié heurtant la vitre l'effleurant avait été en mesure risque de déranger le moribond là-haut étendu sur son lit comme une momie avec son visage dont toute la chair avait disparu avait été avalée par quelque ogre dedans caché quelque sangsue infatigable les visiteurs entrant sur la pointe des pieds certains n'entrant même pas restant figés sur le pas de la porte à dévisager l'inconnu son profil dont le tranchant leur coupait les yeux les marquait à jamais imprimait en eux cette sorte de souvenirs qui sont des fers rouges...

... le drap la poitrine dessous ne se soulevant plus que mécaniquement et c'était bien de cela qu'on parlait sous les arbres autour des zincs et des cafés de la machine apportée l'avant-veille posée dans un coin de la chambre et qui était dans le village un tel miracle technologique qu'on se demandait quand même si les visites n'avaient pas en fait pour but d'examiner la chose pas celle mourante ce n'était pas la première que l'on voyait mais l'autre la rutilante la clignotante à qui l'on avait délégué le souffle de l'homme mort ou presque mais pas encore...

(...) ces profils finissant par constituer une galerie dans laquelle alignés on ressassait les mourants et les morts comme si cela avait été une sorte de catalogue qu'on pouvait parcourir pendant les insomnies prenant de plus en plus de place sur la nuit y creusant des tunnels dont on sortait exsangues à fleur de nerfs de peau épuisés d'avoir bataillé contre ces hordes rôdant autour du lit s'approchant juste assez pour ne pas laisser place au sommeil mais assez loin restant pour qu'on ne puisse pas les saisir à la gorge le dehors le monde se manifestant par moments par les hululements d'une chouette posée dans quelque arbre tout proche ponctuant les sonneries du clocher au lointain de ses propres scansions et puis autour des craquements dont on pensait parfois qu'ils étaient ceux que faisaient d'autres morts autour de la maison errants jusqu'à ce que debout à la fenêtre on voit par les fentes des volets que ce n'était là qu'un animal égaré cherchant de quoi manger dans les recoins de l'ombre...

... les bougies laissant à voir quand même les visages fermés guerriers des anges...

... du haut desquels on sautait pour prouver son courage la chute se terminant immanquablement sur les genoux les mains le gravier y tatouant alors les marques qui attesteraient de ce qu'on avait osé braver le vide...

(...) derrière les maisons faisant un damier de minuscules enclaves protégées par les pierres sèches entassées vaille que vaille par ceux d'avant ceux d'avant demeurant pourtant d'aplomb à croire que ce qui en maintenait l'équilibre la cohérence c'était le temps son limon qui avait fini par s'immiscer dans les espaces vides les joints jusqu'à souder le tout en une masse compacte par-dessus laquelle on se regardait naître et puis vivre et mourir ces mitoyens s'arrêtant par tradition à peine au-dessus du mi-corps dans la lumière des premiers jours de printemps le spectacle de ces troncs bougeant dans tout le hameau ayant quelque chose d'un peu surprenant même si personne n'avait vraiment le loisir de s'occuper de ça de regarder ailleurs autre chose que la terre qu'on ouvrait scarifiait maintenant en urgence avant qu'elle ne revienne à son état immobile et secret...

... de longs couloirs où l'on se perdait perdrait systématiquement en passant devant les portes ouvertes où l'on voyait toujours la même chose la chose qu'on deviendrait un jour où l'autre mais quand ...

... comme si à un moment il n'y avait plus eu d'autres matériaux disponibles sur toute la planète que ces planches ayant l'apparence de la peau d'éléphant ou du moins de ce qu'on s'imaginait être ce genre de peau et qui maintenant usées se disjoignant tordant laissaient passer les regards permettaient qu'on explore les intérieurs sans avoir à pousser les portes tellement dégondées qu'elles vous restaient dans la main ou tombaient d'un coup et seules lorsque le vent venait y frapper visiteur...

(...) à quatre constituant la cage où l'on finissait toujours par revenir se frapper la tête contre le monde se réduisant aux deux minuscules ouvertures ménagées l'une trop haut pour qu'on puisse l'atteindre l'autre fermée d'un volet qui ne s'ouvrait jamais...

... l'exercice suivant mais plus facile que le passage forcé dans le couloir étant ensuite de passer la boîte au-dessus de la rambarde ne posant pas de réels problèmes si l'on écarte évidemment les fleurs plantées au pied du muret constituant le socle de la terrasse que les deux porteurs venus se positionner là pour recevoir le cercueil puis les deux autres les rejoignant après s'être assurés que tout était calé le père derrière assurant la sécurité de l'ensemble vacillant piétinées allégrement par les quatre paires de souliers dont on voyait qu'ils ne sortaient de leur boîte à chaussures qu'aux grandes occasions celle-là en étant une la mère le passage délicat ayant été négocié ne pouvant s'empêcher de jeter un regard désespéré sur ses platebandes maintenant complètement écrasées ravagées ce saccage semblant soudain la goutte d'eau de trop ses bras se mettant à trembler puis ses jambes puis elle toute s'effondrant d'une seule pièce une poupée de chiffons...

... le clocher décapité émergeant de cet océan de pierres brûlées tel un phare absurde ayant constitué visible de loin le point de mire idéal pour les hommes aux phrases incompréhensibles aux langues qu'on ne saurait jamais effectuant d'en haut ou de là-bas les réglages nécessaires à leur visée avec la précision sans questions seule permettant sans doute d'aller au bout de ses calculs...

(...) jusqu'à ce que nous soyons emplis et que le monde dedans reflue et que nous sortant en nous cognant aux tables allions vomir nous vomir sortant de nous tout ce que nous pouvions appuyés contre le crépi gris de la cour semi-enclose qui sur le côté servait aussi de piste de quilles avait servi de ça puis le café ayant fermé comme tous les autres ne servant plus à rien le dispositif en bois destiné à ramener vers les joueurs les lourdes boules finissant par verdir puis se fondre dans un gris sans teinte puis pourrir puis s'effondrer un matin sans que rien n'ait prévenu que cela arriverait ce jour-là cet instant-là...

... et lui dans sa masure passant ses journées à on ne comprenait pas quoi on ne devinait pas quoi derrière ses fenêtres que les toiles d'araignées avaient rendues opaques l'histoire s'arrêtant quand un matin on le trouva comme ça dessus cette paillasse qui lui servait de lit mort comme ce n'était pas permis...

... les lieux maintenant méconnaissables les arbustes au-dessus desquels on sautait devenus presque aussi hauts que les bâtisses autour les murs effondrés relevés réajustés réalignés et le long desquels passaient les convois mortuaires maintenant motorisés faisant pourtant le même chemin...

(...) plongeant le parc vers le fleuve là-bas qu'on ne voyait que des étages disparaissant derrière l'enceinte à mesure qu'on s'approchait restant à la fin juste de l'autre côté des pierres chauffées par le soleil brûlant nos oreilles posées contre la rumeur le mâchonnement de l'eau passant au travers l'eau peut-être elle-même non pas tant aux crues régulières que là pour nous désaltérer un peu avant que nous retournions errer sous les arbres sans plus savoir qui et quand où nous étions à force de médicaments d'attente de rien...

... découvrant un jour entre les planches leurs indiscrétions l'ombre animale d'une auto sortie tout droit des temps d'avant oubliée là massive silencieuse de tout son métal sa tôle noire quasiment avalée maintenant par les draps gris de la poussière qu'on voyait flottant encore lorsque le soleil s'immisçant découpant le monde en tranches allumant chaque grain osait entrer nous disait de faire de même et lui on entre et moi je ne sais pas et lui je crois que personne ne peut nous voir et moi de toute façon il ne passe jamais personne la porte fermée par une chaîne ne résistant pas vraiment...

... tellement haut que ça en devenait impossible et pourtant c'était là dans une ville avalant toutes les autres avec ses passés parfaitement visibles au milieu du présent comme des sortes de voiles soudain des cintres tombés...

(...) artificiellement vieillis ou peut-être pas peut-être s'agissait-il vraiment des mêmes exactement que ceux d'avant et ceux encore d'avant eux voyant venant ici boire jusqu'à plus soif et tomber au pied du bar et finir là tels des chiures de mouches que le serveur ne parvenait pas à balayer des ouvriers descendus du Nord et restant là maintenant oubliés des leurs aussi bien que s'ils étaient morts dans quelque bataille dont personne ne revenait servis par le même serveur avec la même manière de se tenir de marcher entre tables affublé de son plateau pesant plus que celui qui le portait sans sembler y faire le moindre effort le même visage qu'avant le siècle avant et l'autre d'avant apportant de fait la preuve qu'il y avait comme des masques passant au travers du temps et repris par de nouveaux hommes ne faisant qu'enfiler une apparence qu'ils abandonneraient à leur mort ainsi qu'on laisse son manteau au vestiaire...

... machinalement effectuant les gestes parfaitement calibrés qu'il fallait faire au moment très exact où il le fallait et derrière lui le chef d'équipe une sorte de garde chiourme gueulant et lui devant sans ralentir sans un geste posé à côté se retournant et crachant sur le sol pendant que sur les murs carrelés jusqu'en haut dégoulinait l'eau condensée et tiède qu'on aurait dit une transpiration de tout le bâtiment...

(...) par laquelle eux enfermés soustraits au monde continuant à communiquer avec le grand dehors existant encore un peu écrivaient participaient à ce qui remuait autour cependant que leurs déplacements restreints aux quelques mètres carrés de leur cellule volontaire ne cessaient de se ralentir à mesure de la fatigue de leurs corps et de la lassitude qu'ils sentaient sur leurs épaules accrochée...

... rien dans leur apparence ne montrant le champ de ruines qu'ils étaient devenus...

... d'une poussée de l'épaule le craquement des bois de la porte restant suspendu avertissant que quelque chose d'interdit venait d'être commis et lui allez maintenant et moi oui maintenant dans le même temps entrant tirant derrière le pan de bois faisant rideau penché les yeux s'habituant à l'obscurité quand même finissant par distinguer aussi des tas de planches laissées à sècher depuis des lustres des outils dont plus personne sans doute ne savait ce à quoi ils pouvaient bien servir ni comment s'en servir d'énormes paquets de ficelles jaune à moitié rongée des chaînes jougs vélos objets informes pendant des poutres chauve-souris de métal et au milieu...

(...) l'été se passant ensuite sous couvert de la grange à démonter l'auto patiemment lentement à en extirper les pièces comme autant d'organes disposés ensuite autour en un éventail mécanique...

... alimentés pour les plus anciens par des sondes versant directement dans leurs artères encrassées épuisées l'exact cocktail de nutriments nécessaires à leur survie pour les autres par des plateaux-repas qu'on (qui ?) leur passait via les guichets prévus dans les portes des cellules leur composition toujours la même se répétant de semaines en semaines dans un balbutiement parfaitement organisé prévisible répétitif certains n'étant plus sortis dans le monde réel depuis des années d'autres y ayant effectués de brèves escapades rarement volontaires après lesquelles revenant à l'abri ils soufflaient de soulagement tous écrivant le monde produisant des fictions dont il s'avérait s'avérerait souvent qu'elles n'en étaient pas certains se souvenant parfaitement d'avoir lus certains textes décrivant une réalité imaginaire qui simplement s'était réalisée...

... la mécanique faisant que l'incident n'eut pas de conséquences immédiates la production de pleine saison ne pouvant souffrir d'aucun retard le chef d'équipe restant là quelques minutes fulminant puis s'apercevant des rires sous cape se repliant dans son bureau guérite d'où il surveillait les cadences et les vies...

(...) la route une de plus le long de laquelle le monde disparaissant était un vide gris bleu fuyant au bout cette bâtisse son hall les ombres dans les couloirs s'épuisant à traîner leurs potences leurs chaînes leurs peines...

... se vidant à mesure qu'on le mettait en perce passant ensuite le jour examinant l'eau trouble qui s'échappait de lui avec constance...

... tant vieille qu'elle semblait avoir été présente dès le commencement du monde tordue une sorte de mauvaise herbe claudiquant entre les maisons effrayant les nourrissons approchant essayant de les embrasser les arrachant quasi des mains de leurs mères tendues mais ne pouvant rien refuser à celle dont on disait qu'elle avait le pouvoir de sans jamais terminer la phrase ce qui fait qu'on pouvait tout supposer et que c'était bien assez suffisant la nuit dans sa cuisine derrière le volet jamais refermé on voyait à quelque heure que l'on soit briller une lampe qui aurait pu être tout autant un phare pour attirer ses démons...

(...) sans parvenir vraiment à résister au sommeil le trouvant donc les yeux ouverts pris dans la confortable finalement routine les automatismes gestes mouvements se substituant à toute forme de pensée le jour se levant seulement maintenant venant du dehors lécher les fenêtres hors de portée là-haut sa lueur affrontant peu à peu celle blanche des néons immensément alignés jamais éteints l'usine fonctionnant vingt-quatre heures sur vingt-quatre à cette période...

... et en haut une porte pas plus haute que cela ouverte d'exception sur l'espace entre le plafond et la charpente découvrant un lieu où ne venaient que rarement des humains mais peut-être vu l'endroit l'esprit saint ce jour-là pas une trace de lui au milieu des pigeons endormis...

... encerclant parfaitement le dernier domaine de ceux du village déposés-là une fois leur souffle éteint comme s'il avait fallu essayer de les empêcher de sortir la distance d'avec les premières maisons n'y suffisant à l'évidence pas les convois mortuaires faisant les allers et les retours plusieurs fois par jour à certains moments les retours heureusement toujours à vide...

... rares constructions à l'écart enfouies aux lisières des bois seulement devinées l'hiver derrière dessous la sorte de chape grise évanescente qui tenait toute la vallée des semaines durant...

(...) aboutissant à ce que les enfants des enfants reviennent par le truchement des hasards héritages acquisitions mariages habiter dans les maisons où étaient nés leurs pères mères l'histoire faisant que les familles piétinaient finalement le long de la route la même toujours dans une sorte de ressassement indescriptible la population de certaines habitations semblant du fait des ressemblances ne pas suivre le cours du temps changer cependant que le monde autour ne se ressemblant plus depuis longtemps n'était plus qu'un autre monde ce phénomène donnant ceci toujours les mêmes figures aux fenêtres penchées fermant toujours les mêmes volets sur la toujours même nuit d'ici jetée par l'hiver sur le sol dès les quatre heures d'une après-midi sans couleurs durant laquelle traînant chacun n'avait fait qu'attendre le crépuscule en guettant d'hypothétiques voyageurs passant sur la route à la poussière éternellement renouvelée...

... les ombres blanches des infirmiers passant de chambre en chambre sans faire plus de bruit que des spectres emportant partout toute une théorie de flacons canules tampons de coton poches dont on préférait ne pas savoir comprendre à quoi ils pouvaient bien être destinés...

... les travaux la saignée balafrant toute la vallée ayant mis à nu par endroits des sources jusque-là invisibles souterraines ne prenant même pas la peine d'émerger et contraintes soudain mises au jour exactement comme ces animaux étranges que l'on trouvait sous les pierres gras et gris de courir de jaillir se laissant aller dans le noir rouge de la terre bousculée à des sortes de gambades finissant dès que c'était possible dans quelque évasement recoin à-plat par se reposer...

(...) ici un bassin s'évasant entre les masses de terre repoussées formant digues grises par un hasard inimaginable l'eau sourdant depuis des jours emplissant à présent toute la vasque disons naturelle tellement transparente (l'eau) qu'on distinguait parfaitement le fond trois ou quatre mètres plus bas nous arrivant là le nez au vent dans l'exploration que c'était de traîner le long des tranchées ouvertes depuis des semaines par des engins visibles depuis le village dévorant les collines et les champs à longueur de semaine s'endormant le vendredi soir venu avec leurs mâchoires dents plantées dans la terre nous perchés donc sur la quasi-falaise de terre surplombant cette mare mer intérieure nous poussant du coude lui on y va moi elle doit être glacée lui ça tombe bien on crève de chaud l'été autour n'en finissant pas de chauffer tout à blanc...

... dont les maisons portaient toutes pour celles restées debout après le grand incendie autant dire peu des impacts de balles obus éclats faisant sur les crépis autant de cicatrices que le temps n'effaçait pas le moins du monde le gel la pluie le froid participant plutôt à les élargir en une sorte de lèpre soulevant peu à peu les bords de la blessure puis les désagrégeant mangeant jusqu'à ce que le ciment disons dissous tombe au sol révèle dessous les pierres jaunes tirées des carrières là-haut vers le nord et apportées dans la région par des péniches lourdes comme des palais d'empereurs morts...

... gars serrés les uns contre les autres dans la cage tombant vers le centre de la terre leurs mains posées sur l'épaule la plus proche participant à une sorte d'équilibre de rassurement évitant à chacun de crier sa terreur...

(...) jusqu'à ce que n'en pouvant plus de chaud sueur ne supportant plus la lumière blanche inox arrivant des cieux aussi dure que c'était possible glissant lentement le long de la pente décrochant des cailloux mottes racines qui tombant nous faisaient presque tomber aussi lui moi allâmes jusqu'à la limite extrême de l'eau et puis tels que ou presque ayant seulement enlevé les chemises de coton les sandales laissées en équilibre instable sur quelque rebord glissâmes dans l'eau comme si ça avait un nouveau baptême lui moi claquant au début des dents puis oubliant le froid le dépassant nous en affranchissant nageant en rond lui elle est froide à crever moi ça nous change le ciel au-dessus maintenant encadré par les bords faisant une sorte de pastille d'un bleu sans fond...

... laissant suspendus leurs effets accrochés si haut dans la salle qu'il arrivait les premières secondes qu'on ne les remarque pas...

... dans les couloirs alignés vissés toujours les mêmes partout où l'on passait passerait où s'effondrant les familles explosaient dans le doucereux chimique parfum reconnaissable entre mille des remèdes ne guérissant de rien et certainement pas du temps s'écoulant sous les portes...

(...) les lits alignés dans ces sortes de cellules aux cloisons s'arrêtant quelques dizaines de centimètres avant le plafond partageant l'espace en aires exactement identiques similaires les couvre-lits ne se distinguant que par quelques nuances dans les rouges oranges éclaboussant les regards se réfléchissant dans les bois cirés des armoires dont chacun était flanqué la nuit les rideaux occultants ne suffisant pas à éviter que se glisse dans le dortoir endormi la lueur fauve des torchères au loin toujours enflammées...

... le troupeau passant repassant des prés à l'étable de l'étable aux prés laissant sur la route les traces molles dans lesquelles nous roulions à grands cris perchés sur de vieilles bicyclettes dont on voyait qu'elles ne servaient qu'à ça et à d'épiques combats de coups de pieds le long des routes où personne ne roulait jamais...

... lent glas qui finirait peut-être par sonner tout le long du jour hoquetant depuis le clocher sa toux lente obstinée...

(...) entourés remplacés d'une triple rangée de barbelés où erraient des êtres choses animaux dépenaillés ne semblant plus remarquer l'épouvantable indescriptible puanteur dans laquelle ils eux tout baignait à peine endormie par l'hiver se réveillant au printemps regagnant le terrain perdu face au froid en quelques jours imprégnant jusqu'à l'air tellement incroyablement forte qu'on finissait par l'oublier oublier qu'on marchait dans une immense charogne que les bâtiments tentes alignés étant en fait posés à même la chair pourrie d'une bête morte au bord du chemin au fond de la forêt les barbelés faisant ainsi une espèce de cage thoracique métallique au milieu de laquelle rien n'avait plus de sens...

... claquant des dents au moment de sortir de se vautrer dans la glaise des parois d'arriver en haut barbouillés de terre en bref de quitter ce bain improvisé plus sales qu'en arrivant l'eau en bas ne gardant traces que par quelques friselis s'estompant rapidement se fondant dans l'immobile parfaite glacée transparence qu'elle était...

... les maisons refermées sitôt les enterrements faits demeurant ainsi des années et puis des décennies figées dans le temps exact du jour de la fermeture de la porte les choses dedans ne bougeant plus ou alors seulement du dedans craquant grinçant au gré des saisons des pluies du toit estimant la résistance trouvant les failles s'y infiltrant finissant par franchir les derniers remparts s'étalant depuis les greniers jusqu'aux plafonds les grignotant suçant suffisamment pour qu'ils fondent s'effondrent sur les planchers de chêne sur lesquels venaient des champignons gris étales dans lesquels glisseraient les premiers à entrer à nouveau ici...

(...) aboutissant à laisser sur la quasi totalité du ban des scarifications marquant le passage des machines pelles mécaniques camions enfouisseuses l'ensemble fonctionnant en parfaite régularité ouvrant la terre y déposant ces tubes gris soudés à mesure refermant le tout à telle vitesse que peut-être rien ne se passait...

... maison voisine où se répéterait la même scène ou presque ailleurs dans le temps dans une autre des poches qu'il constituait à présent dans son propre ventre animal fantastique s'avalant se digérant sans cesse sans répit entassant en lui-même les témoignages qu'il faisait de son avancée dans le bruit la fureur le combat des instants... 

... luttant chacun comme il pouvait en clouant sur ses planches ces moments alignés à l'image des papillons retrouvés dans les tiroirs sans fin des meubles cirés du muséum d'histoire naturelle où l'on traînait les enfants chaque dimanche quand ils ne rêvaient que de courir dans le parc tout proche...

(...) où à peine se discernaient encore traces de réclames publicités raisons sociales le tout se fondant maintenant dans les briques dessous rougeâtres mais presque plus dessus les poussières de la ville posant cette sorte de voile sale enveloppant de même les souvenirs qu'on emportait des lieux de leur respiration du halètement rectiligne des rues jusque loin presqu'au pied de l'horizon c'était derrière qu'on s'en allait...

... tout un conglomérat totalement illisible de bâtisses blanches métal hurlant depuis les toits partaient les volutes grasses de fumées sales même vu d'ici cela restait un écrasement entre les pans passant des hommes déjà pliés de leur fatigue le jour pourtant même pas né même pas là...

... se fissurant se retrouvant au sol d'une poussée de nos épaules avec eux s'effondrant les remparts finalement mous opposés aux vagues du temps par ceux d'avant et dont nous devenions les bras armés pioches masses burins dans la poussière rien ni personne et pas de mots par la fenêtre on distinguait une même route et sur celle-ci invisibles couches les vagabonds siècles des siècles...

(...) que de planches chutes fibreuses récupérées à la scierie en bas d'où montaient avant dès l'aube des stridences suraigües martèlements réguliers comme horloges et puis maintenant plus rien que le bruit d'un silence poussiéreux de temps à autre le plouf que faisaient d'énormes carpes élevées mais pourquoi donc dans un étang aux yeux boueux en essayant les grosses naïves d'attraper les moustiques...

... ce sentiment d'être taraudé dedans par des angoisses lentes à têtes chercheuses fouissant doucement creusant leurs galeries celles qui feraient qu'on finirait par s'effondrer mais quand c'était chaque semaine la même histoire le bâtiment levé visible de loin nous attendant...

... du garage recouvert et son toit d'un fruitier cerisier sur lequel (c'est le toit) on passait tout le jour se gavant et la nuit une course punition disait donc au matin le vieil oncle finissant par mourir comme cela disparu loin des yeux sa démarche claudicante souvenir d'un camp cette Russie où parqués prisonniers tous crevaient mais pas lui...

(...) rêvés...

... la nuit le jour se confondant dans une sorte de soupe les vivants les morts maintenant à même niveau dans une même réalité arrivés découverts la lente coulée du temps se réduisant aux petits riens qui étaient tout par les fenêtres hautes plus que nous un arbre toujours le même et derrière des collines déplumées tout l'hiver l'été lui n'était rien qu'une longue sieste ennuyeuse à se souvenir si ceux d'avant c'était pareil à regarder cette fissure sur le plafond toujours la même et mille visages dedans cachés et dans les mille plus un vivant et le sien même à hésiter quelqu'un entrait on ne savait qui...

... disparaissant sous la ruée avalé cru une débauche de chèvrefeuille dessous des ronces on ne passait pas on longeait là depuis la route seul le toit subodorant toute une histoire on continuait...