Angoisses de prendre l'avion du jour qui se termine de la semaine éteinte d'oublier son nom propre d'aller là-bas ou là de marcher à l'envers de perdre la raison angoisse du jour qui meurt du soleil qui s'éveille un poids dans la poitrine angoisse d'être malade de n'avoir aucun mot de rater l'escalier d'égarer toutes ses clefs de casser cette vaisselle de rater le dîner de ne savoir que faire d'être ce qu'on ne peut pas de ne pas être l'inverse de ne pas reconnaître dans le dédale des rues celle où l'on habitait depuis au moins dix ans c'était juste ce matin.

De sentir ses veines éclater de prendre un coup de soleil de pluie de se croiser dans une rue inconnue de ne jamais retrouver les bons mots la bonne route de rater des visages d'entendre et de ne pas comprendre de rester inutile d'être ridicule à chaque seconde de marcher sur des pieds de respirer trop vite d'entreposer trop de cauchemars de boire à la fontaine si l'eau n'est pas potable de mourir quand même de soif en plein dans ce désert de trouver un serpent caché dedans son lit certes c'est une ville immense mais cela ne change rien.

De rater les rendez-vous les intersections ses examens même sanguins de se casser une jambe d'attraper un virus inconnu d'être premier dans la file d'être dernier de parler à des gens inconnus de n'avoir pas d'accent de ne pas aimer le plat principal de décliner l'invitation il faudra bien pourtant d'être interpellé de n'avoir rien à dire pour sa défense de voir la fin des temps d'entendre le coq chanter d'être quelqu'un d'autre ailleurs de souffler la bougie de perdre ses bagages d'un supplément de poids de ne rien oublier d'étouffer sous la masse des images des couleurs on ne peut pas quand même marcher les yeux fermés la peur de trébucher.

De manquer d'air d'avoir froid faim soif mal de se tordre une cheville de casser ses lacets d'oublier quelque chose mais quoi laisser une lumière allumée la porte ouverte le gaz sous la casserole on ne fait jamais la cuisine de comprendre soudainement que tout est vain vraiment même d'avoir peur de mal lire les instructions d'être à la mauvaise place le mauvais train dans le mauvais wagon de laisser son passeport dessus la table ses billets sur l'armoire de croire les légendes de ne plus croire en rien de brûler le gigot de mettre ses chaussettes à l'envers d'être ébloui même la nuit.

D'oublier ses gélules les rouges faisant la vie en rose les blanches faisant la nuit venir ses lunettes de soleil de vue de rien ses dents son outil à couper les ongles celui à coiffer les cheveux ceux dont on ne sait plus à quoi ils servent vraiment d'entendre des choses craquer claquer dedans son corps sans distinguer lesquelles si on pourra vivre encore sans elles d'avoir pris les bons câbles les bons adaptateurs les livres qu'il fallait lire les essentiels bons de confirmation de trouver un hôtel de trouver le sommeil de trouver ce qu'on cherche mais qu'on ne retrouve pas — on ne sait même pas de quoi il s'agissait et c'est cela qui effraye le plus.

De visiter les musées les fermes les marécages où s'enliser disparaître comme ça et pfuit de voir l'océan vide de ne jamais atteindre la lumière au loin de faire du feu d'être celui qu'on regarde d'avoir les pieds en sang le front brillant les mains trop moites de ne jamais rentrer de manger des choses vivantes de se voir dans ses rêves de ne plus trouver la sortie de ce bar d'avoir des échardes dans la peau de n'écrire que vainement d'abandonner tout près du but celui fixé par le hasard.

De se fondre dans la masse de perdre le sens de l'orientation de rater ce virage le suivant d'écraser les petits animaux d'avaler de travers ces choses molles insipides de ne plus savoir où l'on est on y est qui l'on est là aussi de frapper à la porte mais mauvaise de ne pas se souvenir de l'été de devenir juste un corps de confondre sa droite de sa gauche d'être emporté écrasé par la foule de voir venir la fin du monde de se brûler les ailes ou bien les mains de ne laisser nulle trace de passer pour un fol de bousculer les choses de rester maintenant et pour toujours assis comme ça sur la moquette hideuse d'un motel quelque part — on ne sait même plus où et c'est cela le drôle.

D'être avalé par la végétation d'être devant dedans quand la maison en bois s'écroulera de prendre le bus dans la mauvaise direction de ne pas avoir les tickets valides compostés datés de ne pas affranchir assez les cartes postales d'avaler un moustique une araignée un je en sais quoi qui grouille sous ces latitudes qu'on entend bruire dans les herbes les arbres de voir qu'on nous prend pour ce qu'on est un touriste d'être sous la douche quand la femme de ménage passera de découvrir que la bâtisse est réellement hantée de se faire renverser par le cheval rendu totalement fou par la chaleur de voir sur le pont du bateau à roues à aubes la silhouette des fantômes des temps d'avant, et soi avec eux debout à saluer d'une main distraite ceux de maintenant.

D'être trop petit pas assez musclé trop pas assez blond brun d'avoir les cheveux trop longs courts bouclés pas assez trop de ne plus oublier jamais la séquence de chiffres apprise par sécurité et dont il n'est plus nécessaire de se souvenir — c'était 1710 — de se pencher par-dessus le bastinguage tomber dans cette eau sale d'être sur un mauvais siège celui dont personne ne voulait de rater la sortie d'autoroute de rater l'entrée juste derrière d'avoir un accent reconnaissable entre tous d'attirer les moqueries d'avoir mauvais goût de n'avoir rien vu entendu de n'avoir rien compris de n'avoir pas changé de revenir comme on est parti identique à soi dans le rien bousculé de chaque jour qu'on est.

D'oublier trop vite de confondre les dates lieux heures visages menus horizons de s'apercevoir que ça n'a jamais existé d'avoir perdu son sac même si on est rentré avec toutes ses affaires de n'être pas dans la vie d'avant d'avoir envie de repartir de ne jamais plus s'arrêter d'écrire toujours la même chose (cette fois c'est arrivé) de n'avoir pas de mots de n'entendre pas le vent qui fait bouger doucement les saules gris dehors de retrouver toutes leurs feuilles tombées d'un coup d'un seul demain en plein été de découvrir dans le regard de l'autre qu'il a compris que tout ceci n'est qu'invention.

De sentir son coeur exploser sous la mitraille la pression ou l'angoisse de dire des choses de ne pas dire des choses de les écrire de faire des phrases trop longues de voir qu'on ne sait plus écrire d'entendre les feuilles tomber en plein automne de voir le vent et son visage gris de prendre ses désirs pour des réalités de reconnaître dans les nuages une main tendue de confondre le bien le mal de parler seul toute la journée d'être dans une foule d'être la foule d'oublier tout et même ça.

De ne pas comprendre de trop bien comprendre de lire entre les lignes d’être seul et je veux dire par là vraiment de ne pas s’entendre d’être mordu par un chien d’avaler la pluie de manquer le coucher du soleil d'être ébloui par lui d'avoir écrit le mot de trop d'avoir oublié ce mot-là de perdre ses amis de ne même pas les trouver de mettre un point final d'attendre en vain de ne pas avoir attendu assez de ne pas avoir assez parlé quand il fallait de s'être enfermé trop souvent dans le silence d'ici.

De parler bien trop fort de se heurter aux ombres d'avoir les os qui craquent de ne laisser nulle trace de ne jamais pouvoir se remettre debout d'avoir oublié là un visage comme les autres de pourrir du dedans d'entendre claquer au loin cet orage d'hiver de rater les virages de rater les lignes droites de voir dans les fossés ceux qui n'ont nul refuge d'aller toujours ailleurs et même au fond du pré de ne pas tenir droit quand le vent nous retrouve.