Lieux #38
On croise le très grand froid du soir avec sa figure mosaïque, ce patchwork qu'il est cousu de celles et ceux qui ne sont plus là, qui ne sont pas là, on rajoute un pull sur le pull, cela ne changera rien, le très grand froid du soir fait du dedans cette sorte d'effondrement qui brise toutes les murailles et nulle trompette n'a résonné, on pense à ça sans trop savoir pourquoi, c'est un fil qu'on déroule, on parle sans y croire, on croise d'autres aventures et cela reste des aventures, rien ne parvient à nous ramener sur la terre ferme du réel, il y a dans chaque pièce où l'on pénètre un angle mort où l'on finit par se retrouver empêtré sans avoir prêté garde aux mouvements qu'on faisait nous y conduisant, c'est toujours la même chose, un sentiment diffus, ce n'est pas là le bon endroit et il faudrait qu'on soit ailleurs pour y être mieux mais ailleurs c'est pareil, le grand froid y sera aussi même si ce n'est pas toujours le soir, on tisse et on détisse et dans les villes on marche sans fin, il doit y avoir quelque part un lieu qui nous attend, il suffit de trouver, il suffit de chercher — on fait même comme si on ne savait pas que d'aucuns comme cela se perdent parce qu'ils ne trouvent jamais amarres, on les connaît, on les croise partout et certains même dans le miroir du matin, c'est un effroi, un très grand froid, dans l'aube posé, nous regardant.