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Lieux #2

Depuis la voie suivant toujours certainement et sans s'en écarter d'un mètre les traces anciennes des chemins d'une origine impossible à déterminer, on ne voit rien de prime abord que les bois, les vallons dont on finit par penser, croire, s'apercevoir qu'ils ne sont pas verts comme le veulent la tradition, le cliché, mais bel et bien gris ou bruns, palette sans doute liée à l'inaltérable maussaderie du lieu, de la région en général, de son climat en fait mâchant de sombres desseins. Dehors, derrière la buée montée à l'assaut des vitres de l'auto et qui surprendra parfois même le conducteur, on devine des pommiers tordus au bord des fossés, on distingue vaguement brièvement leurs bras décharnés, moussus, rongés pour tout vous dire d'un lichen lépreux faisant le complément du camaïeu, on se demande à chaque fois comment des fruits de ces choses-là peuvent venir encore, question à laquelle chaque fin d'été apporte une réponse de fait quand la même route, le même paysage, les mêmes bas-côtés sont parsemés soudain des petites boules dures comme rouges qu'on prend pour d'inconnus champignons avant de voir que non, ce sont ces pommes acides qui emportent les joues et que ramassent les cantonniers au moment bas des dernières heures du jour.