Derrière des marques sur les arbres, une histoire à désemparer, le bol vide — quelqu'un raconte toujours ce que personne ne croit que les enfants, et voire ; ils passent, ils passent toujours ; déjà le sable et presque plus que ça, des visages par morceaux, nulle impatience, le laminoir droit et serein, une dernière falaise.

Un très grand froid venu dedans nappé des chênes ; ces images qui nous hantent, nous leur sommes maisons, ne leur servons qu'à cela, des transports vers d'autres imaginaires ; quand nous avions mémoire de corps, te souviens-tu de ces étés à bouches de roches et de mousses tendues, de tes paroles qui trébuchaient autour de moi ?

Sentir remuer les tréfonds, des douleurs qui lacèrent lancinent et lentement ; penser à ceux qui n'existent même plus, pour qui on est le même — cette plaie qu'est le silence, nulle cicatrice jamais, deux cailloux dans la poche, qui jouent dessous les doigts ; reprendre une conversation un jour, comme cela, dans le simple vêtement du jour, sa droite lumière sereine.

Je sais d'autres chemins et que tu avais d'autres visages ; au long attendre le front à la vitre une porte qui s'ouvrirait, un mot glissé, un rien qu'on verrait bien malgré qu'il soit un rien, cet attendu que nous portons dans le pli de chaque seconde telles les mères leurs enfants ; juste à l'orée il y avait l'ombre d'une silhouette — guetteur, guetteur, ne ferme jamais les yeux, c'est l'instant juste où vient le bout du monde.

Aux orties les moments un tas et quelques cendres, ta barque, le monde, ce fleuve que tu portais derrière les murs d'été ; j'ai toujours pensé qu'avec assez de mots je pouvais relever n'importe quelle montagne ; ce que tu lis ici est ce qui te persiste, son merci de fougères ; d'un revers de la main jeter tout ça aux chiens.

Je n'oublie rien et au besoin j'invente un temps sans aucune pliure, je sais que tu passes par ici et que tes pas font un chemin sans bruit, je sais que tu portes dans la nuit le mur de pierres sèches, l'après-midi sous cet arbre qui allait jusque ailleurs — quand nous aurons été rongés de toutes marées, quelle langue sera la nôtre dans le silence d'après ?

Ce mortier est sa langue ; le chagrin de ce chaume, sa fête abandonnée, ce givre de toi resté qui du haut des collines dévale abasourdi, c'est inventaire posé entre les branches, lignes qui jamais ne croisent — le lendemain après est même et le suivant aussi ; mystère, et retourné toujours mystère, à preuve que parler n'a nul sens : tu demeures un lointain derrière la retenue.

Une jonchée oubliée et puis plus rien, des phrases entassées au panier — parfois une porte claque et ce tressaillement fait long discours ; je me souviens du ruisseau gris, de la lame de son eau tranchant nos mains si sales ; de la route j'ai le sel ; écrire, voiler sa propre parole, comme dans la grande maison des morts, les miroirs vains.

Ce n'est pas une route c'est moi dedans et ses lacets ; je cherche à revenir dans les moments d'avant ; quand nous marchions le blé montait jusqu'à nos cuisses, été, été, ton temps sans fin.

Cet entrelacs ; ce sont des rues que personne n'emprunte, des rues dont la peau est partie ; je ne sais pas ce qu'est que cette image, elle est là posée sans attendre, elle dit quelque chose que je ne sais même plus, un lieu et un moment, ailleurs, de moi.

Une archéologie des strates, ne manquent que les souvenirs ; ce serait une nuit sans fin et d'aube point, pas une lumière au loin, rien qui rassure — j'ai beau chercher, je ne trouve pas la faille dans ce qui fait cette langue ; j'élague ma mémoire et des rameaux résistent.

Je me demande par où ils arriveront et quelles seront leurs armes comme leurs cicatrices, si nous pourrons les retenir assez longtemps pour que vienne le printemps ; une île dans le lointain maintenant, un trébuchement, le froissement ; à tordre le langage pour qu'il nous mente, ils descellent nos fondations.