Je ne peux chaque jour creuser si loin, tout déplier, la matière est friable et la langue trop dure, on dirait du métal ; cet inutile labeur qui se poursuit sans que l'on puisse y faire ; dans l'espace reste quelque chose que tu laisses et que je vois.

Du vent ne reste que l'eau poussée dessous les herbes — sur le plateau déboulait un bourrelet de nuages courant — tu ne verras jamais les lettres que j'ai imaginées pour toi — si je ne sais même pas me connaître dans le journal d'un autre, qui le fera alors ?

Pas plus qu'un remuement de la haie haute fendue, le trait blanc de son rond, j'ai compris bien après qu'un chevreuil nous passait — un fouet nu, une grêle, la culbute de l'ombre — pas du sang mais des fruits — ils reposent sages depuis leur gigue d'hier les bras le long du corps.

Un corps mort qu'on habite, une maison vide effondrée comme jamais — ce soir la lumière était là indestructible — quand nous allions dans la ferme du bout de route des volées d'hirondelles ouvraient grand le chemin — c'est bien assez, tu peux plier tes doigts, les ranger dans ta poche, ta tâche est terminée.

Ressac — j'invente à mesure une rencontre et puis cette autre mais entre nous il ne passe personne — il vient et traverse toute la plaine et disparaît là-bas après la dernière ligne des buissons — une claire fumée, sa paresse lente, je devine tout.

J’ai encore un été frôlant mon bras escalier D quand vient la glace juste son trait dans une neige, les limbes ; c'est la rafale maintenant, le pic-vert en embuscade — dessous la pluie je n'ai aucun abri, je tombe donc, je suis une souche détrempée ; le fil de sa voix loin droit là-bas, le fil droit.

Nathalie Stutzmann & ORFEO 55 — Bach, une cantate imaginaire

Finalement au moins de mots c'est bateau qui s'amarre ; nous écrivons ce que personne ne voit ; de l'invisible, sa nasse gardée dans le courant, nous remontons sans souffle ; quand il m'a dit cette phrase venue d'avant je n'ai rien reconnu et c'était moi pourtant posé dans le lointain.