Un rêve, et Natalie Portman
Je n'ai pas rencontré Natalie Portman sur un plateau de tournage. Je n'ai jamais mis les pieds dans ces endroits, je n'ai pas la moindre idée des lieux où ils se trouvent, ni de ce qu'on peut bien y faire et comment, pas la moindre idée de ce qui s'y déploie de travail, de sueur, d'engueulades, de temps long, pour parvenir enfin à raconter des histoires, ces histoires-là que nous regardons dans le noir que parsème ce rouge-sang des fauteuils. En fait de cinéma, le seul que je connaisse, c'est celui que nous faisions enfants quand quelque chose nous faisait envie et que nous passions des heures entières à geindre et à taper du pied ravagés de larmes froides jusqu'à ce qu'une voix d'adulte dise simplement arrête ton cinéma et ça cessait, ce devait être la voix du père, on ne discutait pas, le rideau retombait, pas de générique de fin.
Je n'ai pas non plus rencontré Natalie Portman au bar d'un de ces grands hôtels devant lesquels je déambule en sachant bien que je n'y poserai jamais le pied, n'en foulerai jamais la moquette, je regarde les portes hautes, tellement hautes toujours que je me demande bien qui les a posées au moment de la construction passée, et qui en graisse les gonds, et quand, et puis comment — j'imagine mal une échelle gris-alu et en haut une blouse bleue aux mains noires de cambouis faisant cet entretien avec dessous glissant les silhouettes des clients et celles des grooms raides et rapides, ce ne doit pas se passer comme cela, cela briserai le rêve dans lequel flottent les gens dedans, et puis aussi les gens devant comme moi qui passe sur le trottoir et me demande où j'ai croisé et quand cette femme-là dont le visage est sur les murs et les écrans, juste un sourire, une invention.