Fossile #13
Or donc ces années-là, ces années de cheveux, de bruit et de fureur, ces années qui semblent maintenant folles tant on est devenu sage, ces années dont à les regarder d'ici on a envie de croire que tout y avait failli basculer mais dans quoi, on ne saurait le dire, on n'a pas idée, tout semblait possible à cet instant-là mais tout, personne ne sait ce que c'est réellement, le petit bonhomme blanc, le minuscule soldat, donc, n'en verra rien : il vit dans un autre monde, il vit dans son monde à lui qui est posé dans le monde autour du village qui est lui-même très loin de ça, de toute cette rage, qui semble ailleurs, qui est comme une vallée où rien n'arriverait venu de l'autre côté des monts ou alors seulement sous la forme d'échos étouffés, une vague rumeur et juste à peine, un grondement de temps à autre et quand on ouvre la fenêtre pour voir ce qui vient, ce n'est qu'un orage noir, rien qu'on ne connaisse déjà, on rentre seulement le linge, le tout petit garçon regarde la pluie qui vient et trébuche la poussière, il n'imagine même pas le rock et les manifs, il croit que tout est toujours identique et de tous temps, la même simple chanson, un pas et puis un autre, et pour lui qui marche à peine, ce n'est pas une mince affaire alors cela l'occupe bien, on l'imagine heureux jouant et puis jouant, peut-être que l'on se trompe, que des cauchemars l'éveillent, que ses yeux noirs la nuit restent longtemps ouverts, il a tout oublié maintenant qu'il se raconte, cela reste son mystère, chacun fait ce qu'il peut pour chercher sa réponse.