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Fossile #7

Le cadre n'est pas très large qui n'a pas été repris, la photo a exactement cette forme, c'est bien le petit homme qu'on visait, qu'on essayait de figer sur la crête du temps, on dirait bien que c'est réussi du moins pour lui, celui de ce passé parce que pour l'autre qu'il est devenu les choses ne s'arrangent pas, elles ne s'arrangent pour personne, c'est toujours ça qui nous consolera et puis en attendant il faut aller, revenir à ce mystère de quelques centimères carrés, se dire qu'on ne voit pas grand chose de l'arrière-plan, la rampe déjà évoquée, les murs dont on ne devine pas bien ici à quel point ils montent haut, ce sont ceux du clocher et si l'on reculait, si l'on pouvait prendre par l'épaule celui qui là mitraille avec ce que ça voulait dire alors, déclencher, faire ce mouvement rotatif du pouce pour avancer la pellicule, faire le point en manipulant les bagues de l'objectif, déclencher à nouveau, refaire tout ça jusqu'à atteindre le bout du plastique mou, et arrêter, on a les 24 poses, on s'arrête là pour les photos mais nous nous voulons le faire en arrière marcher, prendre tout le champ qu'il veut, arriver à cette route qui est en bas et reculer encore jusqu'à heurter du dos la grange qui ferme l'horizon, si l'on pouvait de là on verrait bien que la silhouette blanche maintenant depuis l'autre côté ne se distingue même pas, est juste une sorte de monticule, un vague amas de neige qu'écrasent les verticales et puis plus haut des lames de bois noir qui renvoient vers le sol les cris des cloches derrière et puis plus haut un toit pointu et puis enfin une girouette et puis son coq, après il n'y a rien qu'un ciel tout bleu, c'est tellement rare tout ce bleu, l'enfant quand il regarde en tombe presque sur les fesses, cela n'a pas changé.