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Fossile #10

On est son propre spectre, c'est une guerre de tranchées, chacun de son côté posé enterré vif attentif à attendre que l'autre bouge mais rien ne bouge que les jours qui passent et là, dans cette histoire, ajoutée, cette particulière manière du combat qui fait que les combattants, les fosses où l'on patiente, ne sont pas immobiles mais s'éloignent les uns des autres, nous éloignent de nous en fait, nous éloignent de celui qu'on a été quand lui ne remue pas d'un pouce, campe sur ses positions, il fait de ça sa stratégie, sait tout à fait qu'il gagnera, ce n'est qu'une affaire de temps, il est déjà vainqueur puisque posé tel une borne qui n'en démordra pas, a réussi de fait à sortir du long flux mort, de l'histoire, est devenu un radeau, pourra maintenant supporter n'importe quel conte, le mien, un autre, peu importe, capable qu'il est devenu de rejoindre ces alignements d'images qu'on parcourt dans des maisons louées, dans leurs bibliothèques, sur leurs consoles sages le long des murs où d'autres, mais peut-être soi, on ne sait pas, nous regardent, nous sourient, servent de supports à ce qu'on invente, rêve, aime — ces visages qui pourraient nous faire perdre la tête, qui reviennent nous hanter quand on les a juste effleurés une minute en marchant entre des murs inconnus dans le silence de l'été, après tout, ce pourrait être nos vies, il suffirait de tellement peu.