Cinquante #8
Au départ seulement un enterrement, celui du maire, pas le maire d'avant ni madame la maire de maintenant mais le père du maire d'avant, maire longtemps, ce n'était donc pas un petit enterrement, sur la place de l'église il y avait longues noires voitures et puis chauffeurs dormant dans la voiture dans leur attente, des histoires de préfets, de sous-préfets, des conseillers venu des villes autour, longues voitures noires et puis le corbillard, je crois que c'était encore la sorte de charrette que poussaient quatre hommes aux quatres coins, peut-être pas, je vois du noir partout en tous les cas et puis en plein milieu la neige est arrivée et c'était blanc, lorsque nous sommes rentrés dans l'église par le fond ça commençait à la sortie il y avait déjà haut comme cela qui nous était tombé sans s'arrêter et le long de la route vers le cimetière rien pour faire cesser le souffle blanc tout le temps de la mise en terre des paquets blancs tombés direct des nuages mercure et le café après cela ne cessait pas la nuit venue très tôt comme toujours on avait entendu passer les chasse-neiges et puis plus rien le lendemain toutes les écoles étaient fermées il avait fallu plusieurs jours pour que reprenne la course du monde quand nous passions dans les virages les congères folles repoussées par les lames d'acier faisaient un mur beaucoup plus haut que nous et blanc tellement blanc il fallait plisser les paupières pour garder juste nos yeux ouverts sur nos vélos nous étions comme entre les eaux ouvertes de la Mer Rouge.
C'est ce virage qui me reste mais là évidemment plus rien d'hiver dont j'ai l'image et c'est ici que reste ce mur de neige haute qui dépassait et même de loin nos têtes à bonnets laine — je ne sais pas pourquoi j'ai fixé comme si ma tête était une plaque cette photographie que personne jamais ne pourra voir, je la transporte partout et elle ne s'efface pas, cette neige-là jamais ne fond, je suis son hiver toute l'année.