Aller au contenu principal

Lieux #5

Lieux #5

La conversation a repris quelques minutes avant de s'éteindre comme on passait le bois qui est un verrou pour la vallée. Juste après, l'horizon jusqu'alors un peu bouché de vallons et d'arbres qu'on dirait rugueux à force de vents, de bruines, de pluies sans fin, de gels à faire tomber le ciel à grands fracas, se dégage légèrement, va en s'élargissant : c'est à chaque fois l'image d'une grosse bête s'étirant qui vient et qu'on laisse venir puisqu'on sait bien que la repousser ne sert à rien, ne fera rien venir d'autre que la même toujours qui pousse du museau et fait bien ce qu'elle veut. La route est à présent plate et quasiment droite nonobstant un déhanchement qu'elle ne retient même pas pendant qu'on passe un étang puis un autre et le troisième derrière, lui le plus vieux derrière ses haies déplumées maintenant que le temps passe dessus sans jamais se lasser. Là-bas, un arbre seul cache un calvaire de pierres blanches. Des chemins débouchent de toutes parts. Un ruisseau vient, qu'on n'a pas vu surgir et qui longe le gravier sans faire plus de bruit que nécessaire. Il pleut des cordes, et les nuages sont un mercure casqué de noir qui avale les regards.