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La persistance #11

Dans toutes les villes il y a une place qui est son centre — on pourrait dire nombril. Autour gravitent les vies. Les chalands de passage. Les commerçants. Les vagabonds. Avant, c'était là les comices. Avant encore, c'était là juste un feu. Avant encore, c'était l'endroit où des hommes à peine hommes ont posé leurs corps épuisés par une longue marche pour une première nuit. Derrière est arrivée une autre. Ensuite une autre. Tout ce qui vient dans la vie de la ville se situe à partir de l'épicentre d'elle-même.

Dans cette ville-là, la place est une pente qui, comme le reste, descend vers la rivière où la ville plonge de tous côtés. Il suffit de marcher en se laissant aller pour terminer, par simple jeu de gravité, sur le bord de l'eau qui n'est qu'à quelques centaines de mètres du centre rectangulaire. Des bâtiments hauts en font le tour. Ils sont de murs clairs. Ils sont comme des gardiens. Le soir, quand la nuit a glissé depuis le haut des rues, on voit s'allumer un à un des appartements aux plafonds hauts sculptés. Ils tiennent bon depuis des siècles. N'ont rien à faire des vies se déroulant quelques étages plus bas. Dans le brouhaha étouffé, serein, des petites vies qui battent le pavé.