Plis entre plis #5

J'y suis revenu, évidemment : le peu que j'avais lu au rempart du rayon m'avait suffit pour sentir le profond et ressentir peut-être qu'il y aurait quelque chose dont je pourrais faire mon miel même si pour tout vous dire je ne savais pas du tout comment relier cette langue-là, la rocaille qu'elle semait, tous ses pièges d'histoires, et mes histoires à moi qui étaient de mémoires, ce que j'appelais pompeusement recherches — quand j'y pense j'en ris, j'était surtout errant et furieux de construire une logique sur ce tressaillement dedans, ces choses innommées et informes, ces sortes d'idées que les phrases tentent de faire tenir debout et qui ne sont, pour mes idées, que de vagues fumées — c'est cela qui illustrait cet article d'ailleurs que j'ai croisé à cette même époque dans ce CDI d'étrange forme posé comme ça au milieu de la cour du lycée où je faisais mon pion et qui, dans cette revue dont je découvre qu'elle date juste d'avant la première guerre, la mondiale, celle du siècle d'avant, parlait donc des fractales en se servant entre autres de l'image de la fumée d'une cigarette — dans les quelques pages glacées j'ai découvert aussi les attracteurs étranges comme la dépendance sensitive aux conditions initiales et ces équations belles auxquelles je ne comprenais pas grand chose sinon qu'elles me faisaient un plein écho avec les lignes narratives de celui dont je découvrirais la voix et plus tard le visage et ensuite chaque les livres ou presque : happé j'ai décidé de m'attaquer à toutes les lignes de la longue liste qu'il y avait déjà en fin de livre, du même auteur, et là j'ai retrouvé mon souffle en m'accordant à celui de cet homme que j'inventais penché sur sa table écrivant — un attracteur étrange comment ne pas rester tout ébahi à tomber sur ces mots ?

à suivre

Une première version de ce texte a été publiée

par l'Association des Lecteurs de Claude Simon

Merci à @cgenin pour l'invitation