Fossile #18
Les choses n'ont pas tant bougé : le village est resté même ou quasi, à l'exception notable de quelques minuscules ensembles de maisons arrivées ici ou là, peu fréquentés par les plus anciens qui ne s'y reconnaissent pas, et qui en étendent lentement l'emprise sur le ban, marquent la victoire du construit humain sur une nature autour quasiment entièrement domestiquée et puis maintenant recouverte par le lichen gris des habitations et des villes. Pour les êtres, les morts le sont qui ne gênent plus personne, eux qui ont trouvé moyen de rester tels qu'en l'état du dernier souvenir que l'on garde d'eux, tant qu'à faire vivants et toujours tels, ils ont cette chance paradoxale. Les autres, les vivants encore, ils changent, s'affaissent, se tordent au point qu'on dirait de vieilles vignes malades mais au final le dedans, la structure dedans, cette ossature qui n'est pas d'os, ne bouge quasiment pas, comme si quelque chose se maintenait quoi qu'il arrive qui est le noyau dur des hommes et de chacun, un noeud indestructible qui ne cesse d'être qu'avec celui, celle, autour monté, construite — on retrouve les morts dont le petit bonhomme fier ne sait encore rien, du moins, pas consciemment même si on subodore et que je sais que des ombres déjà sont là pour lui faire une cour partout l'accompagnant.