Fossile #5
Tout cela ne nous avance guère et le petit bonhomme se demande bien quand cela terminera, quand il pourra tomber la pose et redonner ses doigts à un adulte et puis partir en sautillant pas très longtemps si c'est à l'église qu'on se rend, un plus quand même si l'on s'en va après la messe vers la maison qui est toute proche quand à l'échelle du bambin c'est presque le bout du monde puisque derrière il n'y a rien ou tellement qu'il ne peut même l'imaginer, il verra bien, et bien plus tard, ce qui compte là, c'est combien de temps il faudra attendre l'oiseau qui ne vient pas, c'est un mystère, il ne voit pas que c'est mensonge ou quasiment, il apprendra. En m'y penchant, examinant ses mains, la droite surtout qui ressemble tant, en des proportions différentes, à une dont j'ai l'exact souvenir sur un drap blanc et qui semble resurgir là presque comme si elle avait été rajoutée par quelque logiciel de retouche facétieux quand on sait plus simplement que c'est le temps qui fait sa boucle, je vois quelque chose frémir d'une filiation se glissant dans l'image et prenant telle forme si simple que j'en reste pantois et comme troublé me demandant aussi, dans l'immédiat, ce qu'il en était donc des mains des autres, de celles d'avant dans la lignée du tout petit bonhomme, et de ce que je pourrais voir si j'alignais, à supposer que je les trouve, les portraits et photos du père et du grand-père et de l'arrière-grand-père et de leurs mains, juste pour voir. Je n'en fais rien. Je n'ai pas ces images, je n'ai pas envie de les voir, le petit homme sait pourquoi, il ne dit rien mais ses yeux parlent qui fixent droit l'infini et si petit qu'il soit le jour de cette photo, si à peine né sur ses deux jambes un peu cagneuses, je devine qu'il sait et qu'il a tout compris mais qu'il oubliera vite, c'est tellement mieux, c'est plus facile, je le comprends pour tout vous dire mais depuis là je cherche à quoi il pense, cela aiderait quand même à tout comprendre, quand on y pense.