La dispense #3
Et puis quelqu'un en bas dedans la masse refroidissant commence à chuchoter mon nom, une scansion, son voisin s'y met aussi et puis les autres de même doucement, alors enfle une rumeur se voulant amicale mais qui s'enveloppant dans ses propres échos finit par devenir une sorte de brouhaha terrible, une pression sonore qui pourrait presque me pousser au dos, me faire enfin sauter, je dirais bien plutôt tomber, maintenant c'est effrayant, j'en ai la chair de poule là-haut, un vertige intérieur qui conjugué avec celui dehors repousse d'autant le moment du plongeon, tout cela dure longtemps, tout cela ne dure pas même cinq minutes, voilà que l'enseignant fait taire tout le monde d'un seul vos gueules les mouettes tonitruant — privilège des classes de mecs que ce langage sans détours — sa voix revient à la normale et annonce l'ultimatum tu sautes ou c'est zéro, je n'en suis plus à ça, cette année-là je planterai mon bac dans les grandes largeurs, je recule donc doucement sur la planche traîtresse, derrière déjà un autre est là qui me contourne puis plonge sans barguigner, j'entends son corps entrant parfait dans l'eau, au loin dehors je vois dans l'herbe rase tout autour du cube de verre que fait cette piscine des ombres blanches dansantes, légèrement narquoises je crois, ce sont les reflets clairs des ondes de l'eau répercutées par le plafond, en descendant l'échelle mince dont les barreaux blessent la plante des pieds, je sens toujours mon corps comme une éponge lourde et le gras qu'il emporte, à l'arrivée quelques claques sur l'épaule des miens amis, n'en parlons plus, il reste à attendre sur les durs gradins humides le coup de sifflet bref qui marquera le retour au vestiaire, je n'ai jamais plongé, ni alors ni maintenant, du moins, de ma seule décision.