Tumulus #9
Lui pour ce qui le touche ne chôme pas qui sait déjà qu'il va chapeauter tout ça, le chantier, les hommes, qui commence à couvrir les murs de son bureau de diagrammes, plannings, rétro-plannings s'avérant autant d'outils dont il se sert pour organiser les fourmis loin, là-bas, qui changeront la face du monde. Il s'appelle William. On n'en saura pas beaucoup plus sur lui et ce prénom est déjà beaucoup, c'est le premier de ceux qu'on croise ici à avoir un prénom, les autres pour le moment n'ont été que des ombres, la plupart le resteront, lui manipule loin de tout ses outils qui jonglent avec les règles d'un grand jeu passerait pour vidéo s'il n'avait pas des conséquences réelles, s'il ne produisait pas, tout à la fin d'enchaînements dont la plupart d'entre nous sont incapables de les concevoir mais pas lui, donc, dont c'est le métier, de grands changements dans la réalité, de nouvelles balafres au visage du monde dont William, ainsi, prépare la prochaine, seul ou presque, et sans savoir, d'une part, que chacune des décisions qu'il va prendre maintenant va s'emboîter précisément dans la suivante jusqu'à aboutir au pli de terre qui nous occupe ; que d'autre part, il doit mourir un jour, bien après cette histoire, sur l'un des chantiers qu'il programmera toujours, écrasé par un bulldozer effectuant une marche arrière quelque peu hasardeuse et dont, comble de malchance, les avertisseurs sonores de recul n'auront pas fonctionné, ce qui fait que William terminera sa vie écrasé comme une crêpe, le visage enfoncé dans la terre ameublie pourtant par les charrois des chantiers mais restée dure assez pour qu'il ne s'en relève pas, cela prêterait à sourire s'il ne s'agissait d'une mort d'homme, celui-là même qui ce soir, comme je parle, est encore attablé à manier sans avoir l'air d'y toucher un futur bien vivant, les esquisses d'une route.