Tumulus #3
C'est déjà presque tout un décor, deux villes et puis entre elles une petite levée de terre au bord du ruisseau où les enfants maintenant ne sont plus à se jeter des paquets de boue parce que c'est drôle, tellement drôle, partis qu'ils sont faire leurs bêtises ailleurs, hors de notre vue, ce sera peut-être juste des cabanes perchées dans des arbres sans fin à l'autre bout des champs, on ne les voit même pas d'ici et même pas en se poussant à bout de pointes des pieds, il y a tout un village au beau milieu qui remplit son espace et ne sait rien non plus de la bosse qui nous occupe mais n'occupe donc personne d'autre, cela ne durera pas, le stylo à plume d'or qui trace un nom d'une encre distraite vient de déclencher toute une histoire, un enchaînement dont les premiers éléments étaient déjà là bien avant tout et attendaient simplement que quelqu'un se décide à dire oui. Le stylo termine son paraphe, tourne le carton, passe à la feuille suivante, signe aussi, et ainsi de suite jusqu'à la fin du parapheur, le jour avance, on voit que les lambris dorés changent de couleur doucement, c'est la lumière prenant son chemin et allant comme elle le veut, par les fenêtres ouvertes chuchotent la rue et la fontaine et puis le détourné du fleuve qui tombe de cette sorte d'écluse que personne jamais n'a vu baissée complètement, dont on distingue pourtant par le dessus, depuis la passerelle, la mécanique énorme, elle doit bien avoir un usage, peut-être seulement décoratif, l'homme referme son stylo, réajuste sa cravate, il doit encore filer à quelque pince-fesse où on attend son officiel discours, laisse la porte ouverte à sa sortie et c'est son assistante récupérant les documents qui lance la machine de la suite.