La dispense #8
Finalement je tombe, poids mort ou presque entraîné par mon pays n'ayant pas attendu que je puisse me reprendre lorsque nous sommes arrivés au bord et qui, sentant certainement que je n'étais plus qu'une outre de terreur, s'est jeté d'un seul coup dans le vide, vers l'eau sournoisement basse et derrière, moi, la différence de taille, de muscles, de masse étant en ma nette défaveur, je n'ai rien pu faire qu'esquisser vaguement un geste de mon bras libre pour essayer de me rattraper au bord, au ciel, à la surface plastique là-haut et beaucoup trop pour y planter mes ongles que je n'ai pas, rongeur de moi-même que je suis, cela dure une seconde, on pourrait se croire suspendu mais on sait bien que c'est une chute et qu'elle arrive de suite sur la fin, il y a le choc du corps qui rencontre la surface, on peut se croire sauvé, quelques bleus mais pas plus, ce n'est pas la première fois qu'on se tombe par terre mais non, l'eau se fend d'un seul coup cédant liquide molle et vous laisse passer, derrière se referme, il n'y plus rien maintenant et particulièrement plus d'oxygène, il n'y a plus haut ni bas, il n'y a que des bulles, un fatras de bulles partout, je sens que nous coulons, le pays va au fond, ses pieds touchent le carrelage, il tire dessus son bras et me ramène à lui, mes orteils jusque-là au-dessus de ma tête descendent et de cul par-dessus moi je reviens à la station debout, nous sommes deux droits dessus le fond froid, il me fait juste une grimace, ce doit être un sourire, soudain je vois passer devant mes yeux ouverts sa silhouette longue, je ne comprends plus rien et puis je comprends tout, qu'il a donné au fond une impulsion violente et que donc il remonte, et moi je reste là au fond de la piscine à ne pas savoir nager, la surface est bien loin, je n'ai maintenant plus d'air dans mes poumons fripés, ce pourrait être la fin, rester tranquille en bas et attendre patiemment que mon regard s'éteigne.