(...) ça a commencé comme cela il faut tout raconter on partira d'ici comme de là et on ira on ne sait où et personne ne nous retrouvera qu'on se disait dans la voiture vieille moisie rouillée aux roues envolées elles depuis longtemps ne disant rien ne pipant mot sur la route des pickups aux ailes d'argent que leur faisaient leurs chromes leurs pneus tranchant lapidant le silence et puis derrière au-dessus en intermèdes aussi ces sortes de cigales qu'on ne trouve qu'ici enfin de ce qu’on sait sciant ou c’est tout comme les arbres écrasés de chaleur nos cerveaux lents qui rêvaient tous d’une autre vie et puis encore d’autres pickups les trucks parfois de haut grondant même ailes d’argent et nous encore vautrés comme chiens sur les banquettes tellement défoncées de la voiture qu’on sortait de là avec les fesses en compote quand la nuit venant glissant il fallait quand même rentrer faute d’avoir à faire avec les ceintures des paternels seule chose certaine dans tout le jour...

(...) en attendant le crépuscule un truck chien gueule rouge toutes dents dehors cette fois trompette ou bien sirène lui un navire quittant le port et après tout c’était bien ça le port partout sur le bitume klaxon devant pour saluer ceux copains là d’en face de chez Sally sortant chargés maintenant du breakfast qui tiendrait au corps jusque au moins des quinze heures il fallait bien ça pour tenir droit le volant les paupières on ne voyait déjà plus du truck que son derrière filant rapide le long de la route large traversant Sardinia, État de New York, États-Unis, autant dire le trou du cul du monde autant dire l’enfer...

(...) où l’on était coincé pour toute l’éternité qu’on se disait sauf à trouver le moyen de partir d’ici de gicler et d’y aller dessus la route avec pickups et trucks et couchers de soleil au loin immenses jaunes rouges du sang du jour même que souvent on imaginait qu’il suffirait de se glisser dans une remorque de celles garées la nuit devant les motels pourris spécialités de la région avec l’ennui en masse chambres parfumées clopes rances sueurs et autres fluides mais ni eau chaude ni breakfast et pour le matelas dès couché dessus ça te rappelait la mer quand la houle se levait pour s’en aller se barrer pour de vrai regarder enfin s’éloigner cette ville aux hanches étroites aux rues vidées aux parkings creux comme des dents mortes...

(...) autour des deux fast-foods façon palette de peintre fou façades toits enseignes clignotantes se faisant face guerre à coups de burgers mous dégueus sodas plus glacés que nous y bossant l’été juste sous la clim poussée à fond à nous en faire crever manière de gagner quelques dollars finissant planqués sous les matelas au cas où pour le jour où c’est le bitume qu’on boufferait et pas ces trucs parfum carton mouillé rincé javel qu’on aurait cru pourris y plantant les dents le manager les offrant à la pause avant midi le coup de feu fourrés d’on préférait ne pas savoir quoi ne pas comprendre vieux boeuf mort de fatigue poulet broyé tout cru plumes comprises porc extrudé lié sucre sirop sel qu’on jetait le plus souvent dès qu’il tournait le dos ce con...

(...) son petit nom à lui entre nous en murmurant l'appelant le con cheveux courts gras collés sourire niais chemise toujours froissée même repassée de frais sortant d'une cellophane neuve et les vacheries ne manquant pas dans sa tête de malade je parle même pas des mains traînant au cul des filles serveuses bloquées dans la réserve derrière la caisse obligées de sourire parce que devant c’était le roi le client roi un roi obèse le con souvent on se disait qu’on allait l’attacher le bourrer jusqu’à l'en faire crever de ses burgers frites trucs à boire brassés fouettés glacés machin le remplir avec ça jusqu’à ce qu’il en crève comme ça dans son vomi assis ficelé sur sa chaise moche dans son fast-food tout autant moche froid gris malgré les couleurs fausses étalées là partout et la musique sortant des murs des plafonds des oreilles à force de l’entendre dans sa boucle chaque jour de l’été immobile lourd lent n’en finissant jamais ou seulement dans un automne pareil mais chaud en moins...

(...) mais évidemment le faire on ne le pouvait pas bien trop risqué un coup à se trouver avec les cops les feds tout le toutim dessus le dos exactement comme dans les séries TV dégoulinant des écrans en permanence lait concentré sucré le miel qu’on avalait alors la fermant supportant le con la bouffe l’ennui les salaires de misère l’autre en décomptant la moindre erreur de caisse la moindre erreur de commande la moindre erreur d’erreur ça fondant comme une glace vanille big size spécial top caramel craquant et cacahouètes grillées oubliée derrière sa vitre sale et à la fin sur le bulletin plus grand-chose restant et en tout cas certainement pas de quoi se payer le grand voyage vers autre chose que le trou du cul du monde libre capitaliste voire plus si affinités etc. tout ça se bouclant toujours à nouveau dans l’épave au bord de la route oubliée sous son arbre large comme le ciel à nous écouter faire nos plans sur la comète et sur la route et ça aurait pu durer comme ça longtemps peut-être jusqu’à ce qu’on s’habitue comme les autres et nos pères et nos mères et tout le monde ici et ailleurs...

(...) quand il arriva ça une palette mal emballée emplastiquée oubliée un peu sur le quai derrière le Walmart où on traînait sans trop savoir pourquoi à chercher une connerie à faire de bière pleine la palette une fée penchée un peu offerte petite vertu en somme et personne autour les gars déchargeant sans doute occupés dedans le magasin son dépôt à glandouiller picoler bavasser refaire le monde à force de mots on peut rêver on connaissait ça ne marchait pas certifié sur facture notre expérience témoignant les packs donc tentateurs nous de se pousser des deux coudes surtout qu’on savait tous que la caméra de sécurité collée là-haut ne marchait plus depuis des siècles depuis au moins des siècles et puis vas-y vas-y donc toi et toi d’abord et puis soudain l’un qui s’y colle court pique arrache à la volée à la palette deux packs de douze les autres pareils en moins de rien une belle pêche miraculeuse la palette du coup bousculée désaxée de s'incliner tellement et tant que de loin en s’enfonçant dans les fourrés derrière Walmart on l’a entendue se casser la gueule se vautrer grosse grasse et vlam le verre éclatant cristallin nickel ça ferait masse cacherait les disparues sous nos biceps accrochées bien heureusement d’ailleurs nous bataillant ferme dans les ronces autres saloperies à traverser...

(...) jusqu’à nous retrouver dans l’épave éclusant nos prises avant qu’elles chauffent trop nous chauffant à mesure selon le principe des vases communicants seule chose dont on se souvenait collège et encore très vaguement ça surnageant à peine radeau sur l’océan d’ennui de ces jours-là qu’en comparaison même le repas la dinde de Thanksgiving étaient funs l’iphone crachant un rap glauque incroyable et nous l’étant de plus en plus c’est à la je ne sais plus quelle bière que Joshua a dit ce qui allait tout déclencher Joshua ne disant rien d’habitude ou quasi ceci n’étant pas la moindre de ses qualités pour les autres on verra si cela vaut la peine d’en parler ce n’est pas le but de l’histoire Joshua donc rotant d’un coup très fort essayant de couvrir la musique en introduction de ce qui  suivrait puis il suffirait de piquer une caisse résonnant plus que les basses nos coeurs le bruit régulier des trucks là-bas toujours occupés à tracer des chemins illisibles du moins vu d’ici...

(...) et nous nous regardant du coin de l’oeil à savoir s’il était sérieux le Josh tous et chacun y ayant déjà pensé à ça la voiture volée de là à le dire le faire sortir de nous le poser sur la table en l’occurrence le tableau de bord rongé de l’épave c’était autre chose c’était rendre présent un possible un futur personne ne pipant mot les bières continuant se vidant les unes après les autres seul temps d’arrêt la voiture du shérif passant au loin sans même freiner simple rappel mais ça faisait longtemps qu’il avait renoncé à nous emmerder nous la piétaille son truc les voleurs de fruits pourchassés sur tout le comté c’est dire où on était et lui avec nous englué c’est seulement quand l’iPhone cessa de cogner que le silence devint une nappe empesée blanche lourde sous laquelle on étouffait que quelqu’un je ne sais plus qui a dit ok on va faire ça et là plus rien à rajouter tout le monde rentra cuver il fallait avoir la tête claire maintenant on passait aux choses sérieuses...

(...) ça nous a pris du temps attendre l’occasion idéale faute de savoir comment faire d’avoir les compétences nécessaires au collège jamais vu suivi l’option braquage de bagnole et la TV les séries tout ça vraiment pas pédago alors attendre tout simplement que le destin décide quand nous fasse enfin un signe et pour cela traîner autour des parkings églises motels magasins on connaissait depuis le temps on devait être au moins ceinture noire troisième dan dans la discipline même si pas olympique encore on y travaillait à notre modeste manière des jours et des jours alors coulant sous les ponts les mains dans les poches à guetter prêts tendus comme des guépards surveillant tous ceux qui laissaient les fenêtres ouvertes papiers sur le siège sacoches ordinateurs bébés chiens moteur tournant pour la clim garder l’air frais consommer l’essence tant que c’était possible que tout ne s’était pas effondré encore et tant pis pour le reste du monde de toutes les manières il n’y avait pas de reste du monde ici seulement l'Amérique et nous autant dire la même chose une seule patrie toutes ces âneries...

(...) zonant désespérés de voir s’approcher le moment où les cours reprendraient et avec la routine le scolaire lavage de cerveaux couche sur couche ton sur ton étouffant chaque jour passé chaque occasion ne s’étant pas présentée laissant de plus en plus amers jusqu’à ce qu’un soir béni le premier jour de notre vie pour dire les choses comme elles sont apparaisse tant attendu dans un crépuscule doré troué d’insectes noirs fous vibrants on se serait cru vraiment dans un film à la noix de ceux qu’on se farcissait dans le ciné de la ville d’à côté quand une fille daignait sortir avec nous c’était pas souvent et nous prêts à tout pour tenter notre chance avec elle on acceptait ça le rendez-vous parents sur pas de porte les recommandations alcool vitesse drogue et puis quoi encore les armes nucléaires alors que derrière c’était présent jamais évoqué ce à quoi on pensait tous à ce moment et puis aussi avant les négociations avec les nôtres de parents pour la voiture puis les quelques minutes de route parking file tickets popcorn salle noire et écran blanc niaises les images le frisson quand la main tentatives souvent le repoussement la claque parfois mais de toutes les manières jamais grand-chose d’autre on savait bien on s’habituait à rentrer comme cela bataille perdue ...

(...) apparaisse donc tant attendu sorte de Messie pour nous à défaut de croire en l’autre on croirait pour toujours en celui-là dans sa lumière telle occasion le voyageur de commerce looser un peu avec costume froissé grandes largeurs et petit prix mauvais goût garanti garé devant le motel au croisement le plus moche et de loin portes Ford toutes ouvertes celle de la chambre pareille en train de faire dedans on ne savait quoi on ne voyait pas depuis l’autre côté pisser peut-être après des miles entiers passés à se retenir essayant de penser à autre chose le chèque à venir le client à entourlouper la route de demain après le sommeil plomb bouchons enfoncés loin dans les oreilles pour ne pas entendre dans la piaule voisine le gars qui y ronflait aussi pareil et la piaule d’après pareil et puis pareil et puis pareil...

(...) alors coups d’oeil rapides voir alentours si quelqu’un mais personne l’heure pile où le monde se vidait dans son entier le moteur ronchonnant qu’est-ce qu’on foutait donc un dernier sursaut des cigales pour couvrir nos arrières les quatre portières fermées doucement ne pas faire de bruit le sélecteur vers marche arrière un recul lent rien dans la chambre il devait s’être endormi sur faïence puis encore Drive et tout laisser couler les quelques mètres sur le gravier poussière et sur la route enfin accélérer mais alors bien à fond puis filer droit dans ce coin-là pas un virage avant un bon moment ne pas penser ne rien penser ne pas se souvenir que nous étions à peine majeurs que derrière on laissait chambre fringues bouffe juste pieds dessous la table pour les copains pas de regrets ils étaient tous montés à bord la radio ânonnant les cours de la bourse nous s’en tapant un maximum cependant que dans le rétroviseur Sardinia, État de New York, États-Unis s’effaçait lentement mauvais rêve enfin lavé de l’aube même si c’était le soir...

(...) d’où la nuit juste après roulée sans arrêt la caisse fouillée de suite sur roues de son dedans et là trouvés (jeté de suite par la fenêtre) le PC du gaillard un autre costume (jeté) un peu de bière des chips bretzels etc. (pas jeté et la suite non plus) une enveloppe grosse très grosse surprise un vrai paquet de fric dans les 10 000 au moins nous gueulant tellement que ça a failli prendre fin dans le fossé celui qui conduisait en oubliant qu’il tenait le volant les billets n’en finissant plus de grossir dans nos mains nos têtes nos rêves devenant d’un coup réels réalisables le gars devait dealer ou quoi ou qu’est-ce peut-être juste qu’il venait de se faire payer liquide une très grosse commande va savoir on s’en fichait en vrai c’était comme dans les romans polars qu’on se passait mailait d’iPhones en iPad en tablettes en ebooks sauf que personne ne portait d’imper mou c’était plutôt tee-shirts le style de la maison 10 000 au moins verts de l’espoir du bitume là maintenant qui n’avait plus toute sa tête et nous non plus ce que les phares plein pot lorgnaient devant c’était une vie nouvelle...

(...) et personne ne dormant cette nuit-là la première pendant qu’on faisait relais au volant puisque s’éloigner le plus possible il nous fallait caressant tous en secret l’espoir que l’obscurité délaierait les temps de réaction des cops des feds de tout le tremblement comme du gars d’ailleurs sans doute enfin sorti de la salle de bains de sa piaule du motel là-bas dans le coin de nulle part toujours plus loin avec chaque seconde passée et qui à l’heure de maintenant ne devait plus avoir de cheveux à force de se les arracher pauvre de lui là sans doute à chercher trouver quoi dire au boss à sa nana aux cops à moins qu’il ne soit tombé raide mort le coeur tout écroulé d’effroi à découvrir ou plutôt pas sa voiture évaporée ça aurait été quand même embêtant ça qu’on se disait en échafaudant d’autres histoires d’autres encore et puis d’autres à ne plus en avoir de salive tout en forant gaillardement dans le ventre noir devant nous deux trous blancs suivis ensuite comme s’ils avaient été le panache d’on ne savait plus qui un vague souvenir d’avant...

(...) le monde entier glissant fondant fondu vu des fenêtres des portières dans une démence de mouvements d’insectes repoussés par le vent de branches d’herbes de bas-cotés d’animaux vus tapis et puis courants nous droits perçant ce grand mur noir encore et puis encore et puis encore plus rien dessus le ciel était lui noir aussi et dedans nous dans les moments où les rires cessant aussi par petites poches se levant l’immense peur noire de l’inconnu mais ça ne durant pas les 10 000 au moins dans l’enveloppe à ventre kraft portant toute une lumière soleil devenu énorme éclairant du dedans la voiture fonçant folle et puis nous visages souriants puis durcis soudain tant adultes par l’effet seul en fait d’une liberté dont nous poussions la porte avec nos épaules d’enfants...

(...) discutant maintenant après des heures passées à refaire le monde de fond en combles de choses triviales aussi le dormir le manger la question de cette voiture les cops qui ne tarderaient sans doute pas à savoir le vol l’enveloppe à se passer de poste en poste la plaque la description Ford grise conducteur(s) inconnu(s) réputé(s) dangereux il en fallait peu ici pour devenir l’ennemi public n°1 les vrais passant à la TV chaque soir mais personne pour leur courir derrière à part pour en tirer des autographes vendus à peine plus tard sur ebay la plaque on pourrait la changer facilement dans quelque garage pourri miteux il s’en présenterait dans le moindre village quelques billets aidant à ce que personne ne se souvienne de nous pour le modèle couleur marque on se fondrait quand même dans la masse genre incognito grave entre les trucks pickups bagnoles de ce pays nous n’étions rien qu’une particule grise de plus restait la possible trahison d’un électronique mouchard il s’en faisait de plus en plus collés dans les autos pour tout tracer en cas de vol on y était...

(...) l’idée alors naturelle d’aller voir sur le net où donc c’était planqué comment ça s’enlevait neutralisait et l’aube venue s’arrêtant près du premier mac do venu wifi gratuit illimité on en avait pour notre argent quelques burgers et assez de café pour ne plus jamais s’endormir vite trouvée la page depuis nos smartphones expliquant tout long large travers un truc d’enfant à se demander quand même à quoi ça pouvait bien servir de poser ça dans les bagnoles le petit boitier arraché quelques kilomètres plus loin après la pause un coin tranquille près d’un bois l’un glissant dessous la caisse se faufilant lampe d’une main portable pour le plan la photo de où de l’autre aussitôt dit aussitôt fait le soleil n’ayant pas terminé de sortir de son lit que nous devenus incognito et plus encore presque invisible sur les grandes terres l’espace qu’on voyait devant et dedans nos yeux étalé plus qu’on ne saurait dire, immense au moins, à la taille juste exacte de nos rêves...

(...) redémarrant sur chapeaux de roues maintenant on va à Chicago sans bien savoir pourquoi pour le comment c’était rouler pour le pourquoi peut-être l’envie de croiser Al Capone son ombre blanche sur les pavés qu’on voulait noirs de sang séché l’envie d’aller au nord et le nord pour nous c’était droit Chicago on verrait bien envie de voir le lac voir de grandes eaux puisqu’à Sardinia, État de New York, États-Unis, n’étaient que des ruisseaux et deux ou trois étangs planqués derrière leurs arbres trop verts et que Chicago, Illinois, États-Unis, claquait quand même bien dessous la langue avec son goût salé poivré d’aventures nous manquant tant depuis toujours entre les murs quatre blancs griffonnés grave de nos chambres juste dessous les toits plats des maisons alignées impeccablement dans le soir pelouses pareilles arroseurs idem rien ne dépassant fenêtres ouvertes qu’on roulait pour respirer l’air du matin changeant tant que nos têtes en tournaient ivres presque...

(...) ce qui dura plusieurs jours autant le dire Chicago n’étant pas réellement la porte à côté ni celle d’après et que mine de rien le faisant on s’apercevait que c’était un bon morceau des USA qu’on s’apprêtait à traverser croquer comme ça pour le plaisir parfum de la route neuve le bruit des trucks fous chromés nickel hautains quasi nous dépassant à fond sur les highways tellement droites qu’on n’en croyait même pas nos yeux quand on les voyait s’évaporer devant au loin dans l’espèce de brume de la distance pourtant on nous l’avait assez dit rabâché en cours au collège cette terre immense qui était la nôtre enfin quasi la nôtre le prof ne parlait pas souvent des Indiens massacrés évitant le sujet répondant à côté apparemment ça n’avait pas suffit pour qu’on comprenne assimile ce que c’était que d’aller toujours droit des heures durant avec seulement changeant les rares nuages peints tagués là-haut sur le bleu lisse du ciel retrouvés exactement pareils quand sombrant dans un sommeil sans rêve ni fond on se réveillait des heures après sursaut ne sachant plus où l’on était aucun de toute manière dans la caisse roulant sans mot dire chuintante seulement elle s’en fichant comme de sa première paire de pneus de notre chemin envie d’aller à Chicago les caisses n’ont manifestement nul état d’âme...

(...) nos seuls arrêts étant d’aires de stations d’essence motels dont on ne savait pas encore qu’on allait en bouffer tant et tant qu’on ne pourrait plus mais c’est la suite la fin de l’histoire je la connais pas vous pas encore alors patience nous de la patience on en a eu tout du long nos culs visés dans les sièges confortables mais quand même de la Ford peu à peu devenant une amie un peu la famille la vraie celle choisie parce que l’autre restée à Sardinia, État de New York, États-Unis, on l’a oublié sitôt qu’on a commencé à croquer dans la grande tarte de l’horizon déroulant devant nous son demi-cercle toujours parfait à se demander comment le pâtissier faisait mais bon la question ne nous tracassait pas trop pas longtemps pendant qu’on cherchait la meilleure route vers le Nord celle qui ferait équilibre entre rapidité et discrétion s’agissait quand même de pas aller se jeter dans les pattes des cops s’ils nous cherchaient ou plutôt la bagnole on feuilletait des USA Today récupérés à droite à gauche pour voir si notre disparition était signalée mais rien nada c’était soulagement de ne pas trouver nos trognes étalées à la une comme une pâte trop molle...

(...) parce que ça aurait quand même compliqué légèrement j’euphémise le truc de se découvrir poursuivi par les cops feds machins alors que là pendant plusieurs jours nuits ça a été du beurre vers le Nord Chicago et rapidement une sorte de routine d’endroits tous identiques tellement qu’on ne savait plus où on était sinon sur la route ceci nous suffisant et de même aux trois gars un prof un photographe un je ne me souviens plus un peu bizarres des français cela expliquant pas mal de choses qu’on a rencontré où déjà motel aire fast-food peu importe avec qui on a discuté  qui se faisaient un morceau des USA grand comme une pizza XXL quatre fromages bien cuite croquante sur les bords ne s’imaginant sans doute pas les frenchies qu’on était des fuyards et peut-être dangereux dans la tête des cops ici tu deviens vite dangereux ça nous plaisait de nous sentir enfin vivants...

(...) mais eux les trois venus de l’autre côté des grandes eaux vite oubliés laissés derrière à leur rêve d’Amérique pas vraiment le nôtre pas le temps le poids d’oublier le nôtre pas le temps de bavasser avec tous ceux qu’on croisait cet autre par exemple un motel cette fois-là je suis pleine mémoire son pickup gros blanc Ford aussi plein chargé à mort le plateau tout pareil désordre du fatras de sa vie et lui vivant là dans sa piaule standard quelques mètres carrés frigo TV micro-ondes bureau et donc deux lits trop grands pour le mec tout sec qu’il était disant être ainsi comme ça plus proche de son business tu parles son vrai business c’était le merdier dans sa vie ça se voyait de suite au marécage de ses yeux noirs quand il parlait la bière n’aidant pas réellement il s’appelait Jim ou John ou on s’en fiche maintenant il est derrière...

(...) balayé par un matin dessinée gravée sur le soleil sortant du loin du lac presque mélancolique elle irréelle scintillante suspendue là une sorte d’immense libellule métallique et de verre rêvée réelle pourtant on le savait on la reconnaissait on l’avait vue avant  sur nos écrans browsers livres d’histoire-géographie mais là en vrai elle vraiment autre vraiment maintenant entière vivante tellement qu’il me souvient d’avoir pensé à la bête dans Alien la reine va comprendre pourquoi se levant donc ébouriffée dans le levant la ligne skyline de Chicago elle tellement incroyable sexy qu’on a failli s’arrêter sur le bas-coté avant de réaliser que c’était le meilleur moyen d’attirer l’attention les cops et donc continuant laissant venir à nous cette espèce de fantasme qu’on portait tous depuis toujours d’une ville plus haute grande belle que tout ce qu’on avait connu jusque-là qui vrai n’avait pas été grand-chose mais disparaissait d’un coup dans le gouffre trou noir brillant de la ville nous regardant droit dans les yeux ne cillant pas une seconde avalant apparemment toutes les voitures autour de nous maintenant sur la highway de plus en plus large elles nombreuses fonçant toutes dans la même direction la nôtre exactement vers ce mirage dont le plus excitant était qu’il était vrai entièrement totalement...

(...) et le bitume nous emmenant au droit vers cette chose bouche ville grande ouverte pour nous avaler nous avalant gobant d’un coup sans que rien vraiment ne marque finalement la limite entre l’avant le maintenant la terre la ville la skyline disparaissant d’un coup au moment précis où passant sous un pont ou un autre quelque part dans l’un des entrelacs rubans de route faisant sur l’écran du GPS embarqué des noeuds illisibles incompréhensibles on se disait qu’on y était disparaissant comme si elle avait été juste une illusion l’image de fin d’un film de science-fiction effacée d’un rideau nous alors errant d’avenues en avenues larges comme des tranches de pain et vides presque toutes pourtant c’était ce moment des robots humains entrant dans leurs bureaux sortant des bouches de métro de leurs autos par centaines de milliers mais rien la ville avalait tout ce ventre immense où nous étions aussi maintenant flottants garés enfin sur une sorte de friche au-dessus passait bruyant brinquebalant sur sa structure ses étais sortis du passé un métro gris et coloré tagué de bout en bout toutes les couleurs et nous dessous les yeux levés ...

(...) à le regarder passer à se dire qu’on était entré tombé dans un film sans vraiment nous en apercevoir qu’on s’était ensemble tous endormis sur les fauteuils rouges disons plutôt maintenant gris du cinéma d’à côté de Sardinia donc et que là ce qu’on voyait c’était le même rêve la même ville fantasmée le même métro tellement bruyant qu’il n’y avait plus que son ahanement métal sur tout le parking quartier terminant enfin s’éloignant en grinçant tournant entre deux buildings repeints de leur suie grasse charbon s’éloignant en traînant son bruit d’enfer dessus revenant le grommellement circulation toute la ville soufflant clims à fond freins klaxons bruits des pas des millions d’humains invisibles mais pas silencieux semelles mais pas de vent claquement des vies sur les trottoirs et nous maintenant avec à marcher au hasard à tourner quart de tour à droite à gauche à respirer l’haleine de la cité elle nous soufflant nous remuant jusqu’aux tréfonds des bronches pendant qu’on se glissait sous les jupes dentelles de ses immeubles haut plus que nous haut plus que tout ce qu’on imaginait à avoir le tournis jusqu’à la fin toute fin de toutes les vies...

(...) comme ça toute la journée marchant pèlerins à y laisser le dessous de nos pieds collés sur le bitume pas celui de la route celui plus gras de la ville haute et tant bruyante que personne n’avait jamais eu ça dans ses oreilles à Sardinia, État de New York, États-Unis, ou alors c’est qu’il rêvait debout au bord du monde sans bruit ou presque de la petite ville de ses trois rues ou quatre se croisant et rien autour pas grand-chose d’autre tandis que là c’était toujours partout une incessante bombe de sons tombant de tous côtés bombardement je dis camions voitures sirènes métros rires portes courses vélos rien si l’on isolait chacun seul mais ensemble ce roulement ce tonnerre incroyable on se regardait sans parler c’était une sorte de cri...

(...) arrivant au lac sur ses lèvres qui était lui une mer au moins tant grande qu’on voyait bien qu’on ne voyait rien en face et rien sur les côtés non plus sinon au loin des bateaux gros même distants glissaient devant jets skis nageurs plages enfants nus hurlants dedans l’eau froide on savait bien que ce n’était pas l’océan on y croyait pourtant et puis avant les tours toutes plus belles les unes que les autres une armée droite nue toute brillante montant sa garde nonchalante sous le vent fou là-dedans violemment se jetant tranquillement tranchant nous arrachant quasi les dents jouant avec nous petits fétus perdus bien loin de leurs maisons on s’en foutait debout dans Chicago à ses pieds nus poussiéreux épuisés mais pas encore lassés ça viendrait...

(...) on a traîné quelques jours prenant juste pour la boucle pour rire le métro aérien à chaque virage donnant l’impression qu’il allait tomber écraser la foule dessous qu’on voyait déambuler entre les traverses noires frottées de temps crachats fumées sangs peut-être on aurait voulu on rêvait tout marchant dans tous les sens possibles restant des heures assis sur les bords de la rivière passant dedans la ville regardant du dessus les bateaux du dessous emplis de touristes béats sardines serrées et nous de rire les enviant en fait peut-être le soir tombant comme ivre le soleil allumant de sa loupe nos vertiges d’aciers de verres de riens et puis on se rentrait métro encore mais cette fois pas un motel mais un truc hôtel chicos trouvé par le hasard tout proche de l’aéroport et dans l’immense chambre qu’on avait pris payée liquide la fille de réception ne bronchant on faisait vrai faut croire assis devant les fenêtres on regardait les avions arriver l’hôtel manifestement pile dans leur alignement avec la piste de là où on dormait on voyait leurs ventres argent écrire d’illisibles messages sur le ciel bleu noir de nuit...

(...) puis le Nord la ville ont lassé on entendait le bitume appelant de l’autre côté des vitres immenses pans tout entiers de mur on entendait le murmure qu’il faisait sous les roues des milliers millions de voitures passant sur la higway toute proche on entendait ce chuchotement qui parlait d’horizons des pionniers ceux d’avant de cette liberté au goût de goudron chaud de vent à ras des herbes courtes et sèches sur lesquelles personne ne marchait que des ombres perdues on entendait cette fois le Sud qui ronchonnait de ce qu’on le laissait seul dans sa moiteur molle et languide on entendait tout ça dessous le bruit de la ville haute alors on est parti dans l’autre sens cette fois encore tout droit mais vers le bas le bas des cartes et quand on a quitté l’hôtel chicos on a quand même chourré deux ou trois trucs histoire de dire histoire de rire...

(...) démarrant ensuite comme les furieux qu’on voulait être nous glissant dans les entrelacs du ruban gris noués comme ces machins compliqués autour des cadeaux qu’on voyait dans les vitrines vers noël passant entre les voitures autres allant on ne saurait où ils ne savaient où ceux au volant qu’on ne voyait qu’une seconde juste le temps qu’ils nous dépassent qu’on les dépasse roulant longtemps dans ce qu’on devinait de banlieues basses vues un peu du dessus depuis les highways surplombant toutes ces vies alignées bien rangées en apparence au moins perpendiculaires les unes aux autres avec encore toutes ces voitures devant posées il était tôt la ville mâchait sa propre haleine s’étendant tant qu’on a bien pensé ne jamais sortir de Chicago jusqu’à ce que d’un coup encore plus rien des arbres des arbres des arbres et la trouée devant d’où on allait tout droit au Sud juste pour voir si on y était...

(...) avec cette fois ce qu’on se souvenait des cours de géo des miles qu’on savait être entre là-haut et en bas sur la carte ça faisait un morceau de terre quand même on s’imaginait roulant sur la mappemonde en Ford peut-être qu’on pouvait nous voir de l’espace peut-être que quelque part quelqu’un nous suivait du regard du miroir de ses six paires d’yeux Passe-moi donc le volant a grommelé Joshua pendant que j’évoquais cette hypothèse et puis plus rien pendant des heures derrière on ne voyait plus la reine l’Alien la skyline Chicago c’était comme au matin un souvenir de rêve embrumé juste assez pour ne pas être certain que ça avait été tout ce jour-là dans l’habitacle presque aucun bruit que les voix musiques dans l’autoradio pareilles tout le temps partout on pensait à Sardinia, État de New York, États-Unis, ou bien peut-être pas mais c’était là d’où on venait collé à nos semelles de temps en temps sur le bord de la route profilée y’avait une voiture de patrouille sagement garée en la croisant on serrait tous les fesses mais jamais rien pas un mouvement seulement se découpant la silhouette du cops dedans son chapeau sur la tête c’était si ça se trouve juste du carton posé assis pour faire comme si pour nous faire peur à tous nous croisant vedettes sur une mer de bitume...

(...) faisant port sur la ribambelle des zones nulle part des paquets de nulle part de stations fast-foods motels routes parkings lumières jaunes blanches oranges rouges tout exactement identique à la veille la différence la seule étant ce qu’on se mettait dans l’estomac et parfois posés là comme tombés du ciel des endroits totalement bizarres ce diner dans lequel on s’est dit qu’il n’avait pas bougé depuis les années cinquante que les filles derrière le comptoir en train de faire baigner les oeufs les patates la viande le tout en vrac étaient les mêmes depuis un wagon d’années les gars de l’autre côté fermiers truckers les mêmes aussi les tables les chaises la graisse sur les grilles d'aération pareils tous tournant dans un temps exactement immobile ne voyant rien du monde courant autour se retrouvant tous les soirs de chaque côté du formica qui était comme un mur impossible à franchir à parler de tout de rien du boulot des enfants de la météo...

(...) les filles faisant tomber devant les gars venues d’un ciel miséricordieux des assiettes plus larges que piscines plus pleines aussi qu’ils engloutissaient sans moufter enlever leurs casquettes de base-ball alors que nous à peine arrivés à la moitié sentions nos dents du fond baignant aucun de nous ne trouvant le sommeil la nuit sauf Joshua ronflant à décrocher la TV sur son mur allumée diffusant sans le son des trucs incroyablement cons dont on ne comprenait rien colorés tellement que du dehors passant les rideaux occultant ça devait faire sur le capot gris souris de la Ford garée devant sagement des reflets électriques un orage silencieux sous la couverture de l’obscure nuit immense des USA maintenant à moitié endormis à l’exception de nous digérant à grand peine

(...) disant une fin de matinée après-midi les miles s’alignant comme des dominos depuis l’aube tiens tournons-là sortant de la highway nous enfonçant dans la plaine sage sur des petites routes se ressemblant toutes ressemblant toutes aussi à celle du comté de Sardinia, État de New York, États-Unis, au point qu’on aurait presque pensé être en train de retourner chez nous home sweet home mais non plutôt mourir qu’on se disait pendant qu’on plongeait de plus en plus loin dans le rien du vert endormi sous le soleil jusqu’à atteindre une ville petite sage elle aussi avec devant ses églises partout toutes les voitures et dans les rues personne jusque Main Street où par hasard garées sur la place large c’était le jour du grand chambardement de la petite ville sur la place large des centaines de voitures chromées immaculées briquées customisées rassemblement d’anciennes caisses venues d’un passé fantasmé par leurs proprios assis gros adipeux voire consanguins derrière à l’ombre des arbres sur leurs chaises de campings nous regardant d’un oeil soupçonneux repérant tous de suite qu’on ne venait pas d’ici et les filles les premières

lecture : Brigitte Celerier

(...) c’était on connaissait l’évènement de l’année on avait même chose à Sardinia, État de New York, États-Unis sauf que chez nous enfin ce qui avait été notre chez nous c’était la foire à la citrouille qui bousculait la ville c’est dire le truc haussements d’épaules errant entre les capots ouverts larges exhibant tout sans pudeur cet étal brillant faisant penser à quoi une fille qui aurait soulevé sa jupe un soldat mort les tripes à l’air sur un quelconque champ de bataille les reflets faisant à force mal aux yeux le bruit saoulant des sound-machines poussées à fond pour bien montrer que ça crachait la sono hors de prix payée à crédit associée aux patates dans l’assiette ce grand n’importe quoi dont on ne trouvait plus la sortie dans ces rues mortes malgré l’animation la vie chromée y coulant mais pour un jour seulement un jour

(...) le reste de l’année certainement ressemblant à un enterrement n’en finissant pas s’étirant chenille morte ou presque le long des rues Main Street 1St Street Bourbon Street 2nd Street Jefferson Street etc. etc. des streets à n’en plus finir des arbres des maisons des pelouses des voitures des vélos abandonnés personne nulle part même pas derrière les fenêtres closes même pas derrière les moustiquaires crevées des maisons vides abandonnées depuis la crise avec leur panneau à vendre de ginguois mais bien moins qu’elles dont les ventres crevés finissaient par être avalés par les herbes et le temps et la pluie en même temps que le quartier se vidait de tout sauf des errants autre sorte de voisins allant de ville en ville chercher ils ne savaient plus quoi autre chose qu’eux-mêmes...

(...) repartant de la ville aux voitures en mâchant une sorte de pâte goût amer imaginaire ressemblant à du caoutchouc brûlé maussade ce goût qu’avaient les journées qu’on connaissait par coeur d’avant de la vie juste avant à Sardinia, État de New York, États-Unis qui semblait donc ne pas que être là-bas où nous n’étions plus ne voulions plus être roulant maintenant un peu vite un peu trop vite fuyant fuyards repérant trop tard la voiture du cops garée juste à côté d’un silo chromé dressé là comme on ne pouvait pas dire quoi sans être vulgaire même si Joshua le disait et nous aussi passant devant la caisse donc blanche noire gyrophares sur le toit mais éteints et le restant et ce jusqu’à ce qu’on ralentisse et disparaisse et même là rien n’arrivant pas de barrage plus loin pas de sirènes le cops dormait nous dirait Joshua plus tard beaucoup plus tard quand il y aurait assez de miles entre nous et le silo pour qu’on cesse de flipper...

(...) continuant de descendre plein Sud visant la Nouvelle-Orléans les bayous dont il avait été question dans on ne savait plus quel cours qu’on voyait aussi à la TV plein écran full HD large comme le mur du salon images d’une qualité inégalée 3D même tout le toutim le top de la technique ça valait une fortune on le valait bien à défaut d’autre chose dans des séries aussi glauques que l’eau des marais les alligators nous imaginant jusqu’aux genoux enfoncés là-dedans essayant d’échapper à des meutes lancées à notre poursuite soudainement nous étions noirs évadés des plantations suants épuisés de fatigue et la peur manquait nous faire nous pisser dessus quand on entendait les chiens derrière pataugeant la route elle toujours pareille grise jaune la bande et verte aux bords ponctuations de panneaux les exit food gaz lodging des oasis où passer des nuits de plus en plus sereines...

(...) pensant au Mississippi qu’on voulait voir de près l’imaginant large puissant majestueux coulant dans son mystère éternel qu’on sentait comme quelque chose d’une image du temps qui aurait été un truc sale boueux noir bousculant tout sans prendre attention une seconde à ce qu’il écrasait avalait sans plus de précaution que si ça avait été une cacahouète qu’on s’enfourne d’un geste de la main le poignet à peine cassé et hop dans le gosier on en avalait à la pelle dans la caisse sur les lits motels dans ces boîtes à burgers qu’on avait trouvées avec les sacs ouverts grands comme à peine débarqués des bateaux des docks les cacahouètes dedans et le fleuve lui faisant de même hop dedans le gosier dans son piétinement lourd de boeuf buffle allant droit devant droit où il voulait le roi va où il veut le roi vient quand il veut...

(...) tournant au hasard sortant des higways plongeant dans le rien des USA découvrant des villes de plus en plus petites des villages des hameaux personne n’utilisant jamais ces termes-là des fermes suivant les routes dont on pensait qu’elles allaient vers le grand fleuve carnassier tombant sur des baraques à moitié effondrées d’où sortaient de grands blacks rigolards nous indiquant par là par là mais à pieds et gaffe aux serpents on regardait leurs orteils pointant comme une tête au travers des trous de leurs chaussettes laissant la caisse au bord du chemin telle bête morte montant escaladant des sortes de collines avant de voir que ça devait être des digues naturelles construites tenant lieu de protection pour la vallée se disant tu parles que ça arrêterait le fleuve des clous replongeant de l’autre côté en traversant des troupeaux de vaches dont n’importe laquelle nous aurait crevé le ventre d’un seul unique coup de cornes et sans remord les contournant faisant farauds mais dans le fond on était trouilles ...

(...) nous perdant quelques heures après dans les banlieues avenues rocades morceaux de highways allant partout et nulle part tournant nous garant là de guerre lasse dans un quartier qui aurait été partout c'était même chose demandant à des filles infirmières partant pour le boulot elles verraient la mort passer tout le jour où aller si à pieds c'était proche elles en rires nous prenant sans doute pour des fous de paysans venus de Sardinia, État de New York, États-Unis, dans la Ford grise roulant à nouveau la ville semblait abandonnée pourtant Memphis ça nous paraissait valoir mieux que cela les bâtisses alignées grises noires leurs vitres cassées ou pas mais vides derrière les murs on aurait dit la fin du monde des silhouettes de temps en temps couraient de porches en porches trouvant quand même une sorte de centre parking cherchant les sources du rock les clubs les gens disant par là par là la rue est là quand la trouvant on a trouvé une rue morte un grand décor et dans le jour éteintes glauques les grandes enseignes tristes à mourir blues rock et bière les cops tenaient de chaque côté barrières fermées no guns allowed on a traîné juste quelques minutes sur les pavés gras de vomi ça suffirait le rock est mort...

(...) passant des marigots sautant d’un morceau de terre émergé à l’autre flippant les serpents les serpents les serpents on ne les voyait pas en fait planqués certainement partout autour nageait cette odeur de terre morte de pastèques éclatéespuantes jamais compris ce qu’elles faisaient jetées à cet endroit arrivant sains et saufs de l’autre côté il faudrait retraverser on essayait de ne pas y penser tombant sur des étangs des vieilles dames pêchant sur des chaises branlantes nous regardant passer on saluait de loin elles levaient leur chapeau quand on demandait c’était toujours même réponse par là par là mais aux serpents faire gaffe marchant encore sur des semblants de route puis nous lassant marchant encore marchant dans la moite l’impassible forêt un peu revenant les mêmes dames le même marigot la butte de terres les vaches la caisse retrouver la grande route rouler plus loin le fleuve était caché peut-être dessous la terre on ne le voyait pas peut-être que nous étions le fleuve finalement...

(...) et comme ça plusieurs jours nuits miles jusqu’à ce qu’on arrive dans une ville au nom imprononçable plus grande que les petites d’avant et qu’en face d’un casino ridicule dans son déguisement de bateau plat à aubes n’ayant jamais vu plus large que la boue du bord on voit du dessus le large gras brun fleuve qu’on poursuivait depuis un bout de temps maintenant se vautrant en bas loin en fait encore porc dans son auge ne faisant pas vraiment attention aux barges énormes lui passant sur le dos chenilles sans fin de conteneurs multicolores flottant au droit avec au cul poussant des bateaux dont on imaginait les moteurs surpuissants leurs hélices brassant dessous dans cette sorte de fange diluée des choses qu’on ne pouvait voir des cadavres peut-être qu’on se disait assis le cul sur un carré de pelouse tellement verte qu’elle donnait juste envie de repartir de retourner lécher le bitume un peu déçu aussi on était par l’eau en bas qu’on attendait très différente...

(...) qu’on a retrouvée plus loin un peu par hasard en cherchant un coin tranquille pour se soulager des litres de soda qu’on s’enfilait au moins aussi vite que la voiture son essence mais c’était toujours le même de fleuve ce qui changeait et encore c’était le décor une usine des tuyaux partout des entrepôts le tout à l’abandon rouillé on a fait le tour et puis dedans aussi ça n’a pas suffit à nous amuser pisser dans l’eau par contre si surtout qu’on s’est dit qu’on ne devait pas être les premiers tout du long et que ça finissait par en faire du monde se soulageant dans les bras larges du fleuve sur lequel on s’attendait toujours à avoir passer flottant des cadavres à force de séries TV mais rien non plus on voyait seulement de temps en temps des troncs d’arbres solitaires passant à toute vitesse pressés d’en finir de se fracasser contre une pile de pont une coque ou d’atteindre pleine mer pour y nager tranquilles...

(...) et qu’on a laissé là le fleuve pour reprendre la descente au Sud encore en roulant droit nous laissant rouler comme des pierres sur une pente jusqu’à oublier qui on était jusqu’à oublier d’où on venait où on allait jusqu’à ce que d’un coup sans prévenir la highway se suspende hisse en l’air grimpe sur l’eau devienne un mince ruban béton bitume griffant une baie un marécage on ne savait pas il n’y avait autour de nous plus qu’eau nuages mais hauts et en-dessous sur le bord droit des arbres pieds jambes dans l’eau et nous passant dessus leur roulant juste dessus la tête sur leurs tonsures il n’y avait pas et les alligators il n’y avait pas ce n’était qu’eau pendant des miles et piles et piles dessous les ponts le long bitume...

(...) jusqu’à ce qu’elle soit là à peine une ville la Nouvelle-Orléans moite dégoulinant de tous côtés sous sa moiteur on est entré dedans sans y faire gaffe plus de motels plus de lodging plus même de route presque dans certaines rues dénichant au bout un hôtel juste au coin des rues première enseigne allumée clignotante on a frappé à la porte vieille c’était ok a dit le réceptionniste chauve une vraie bille boule de billard roupillant dans son fauteuil club cuir comme un pacha oublié de tous la chambre cette fois cachée au fond d’une cour de cinéma on y croyait pas vraiment cherchant l’entourloupe et puis oubliant nous effondrant sur les lits balayés du bienvenu vent glacé de la clim sans elle on serait mort de chaud dans l’heure aucun doute là-dessus dehors le bitume ne fondait plus tellement il avait chaud il n’osait plus bouger et nous non plus...

(...) affalés sous la pergola avec ses airs de on cherchait on essayait de mettre un nom sur l’impression William Faulkner on est tombé là tous d’accord vautrés aucun n’avait jamais rien lu de lui Faulkner c’était seulement un nom une moustache mais c’était exactement l’image qu’on en avait venue d’où on s’en fichait la ville semblait loin ailleurs oubliée mangée par la végétation autour de nous grimpant comme une couverture fraîche il fallait se forcer pour sortir marcher dans le potage qu’était l’air surchauffé nous coulant dessus faisant de nous des rivières de sueur nous laissant trempés au bout de quelques mètres noyés quasi comme si quelqu’un nous avait repêchés d’une gaffe distraite morts flottants sur le fleuve gonflés comme des outres tirés sur le bord laissés là pourrissants suintants de partout des sucs qu’on ne s’imaginait pas transporter séchant sur nous encroutant nos peaux d’un sel le nôtre nous voilà donc marais salants...

(...) tout ce qu’on buvait et c’était litres afin de ne pas devenir secs morceaux de bois dur os peaux tendues dessus tambour prenant ce goût léger une saumure dans les rues on errait n’ayant pour certaines en fonction des quartiers bien découpés repérés pas de trottoirs presque pas de chaussée rien que presque plus que des sortes de chemins vaguement goudronnés alignées les maisons en bois de guingois presque des gens autour nous regardant glisser comme des ombres on était nez en pleine figure à errer là dans des empilements de choses oubliées des marées la vie les déménagements le fleuve l’océan peut-être passés tantôt levés de leur lit dessus la terre si basse ici que ça n’aurait pas été grand chose pour l’eau de venir se vautrer de toutes parts de tout manger avaler digérer...

(...) repartant on ne tenait plus en place plus de quelques jours maintenant accélérant pensant au fond qu’on finirait par être chopés pas possible autrement pas possible que nos vieux aient baissé les bras si vite le proprio de la Ford pas porté plainte les cops pas décidés de retrouver les gamins de Sardinia, État de New York, États-Unis traçant personne ne savait vers où et encore moins les principaux intéressés sortant de la Nouvelle-Orléans pincés au coeur laissant derrière les rues la nuit la ville tournant d’un coup sur un carré en une Babylone emplie de filles à moitié nues de mecs bourrés gobelets fluos et cops là-haut sur les chevaux prédicateurs hallucinés dedans hurlant Jésus nous sauve Jésus nous sauve arrosés depuis plus haut sur les balcons par des gamines jetant colliers de perles et nous fuyant nous égarant dans des routes minces cicatrices sur des champs plats à perte de vue cherchant des bayous on voulait voir les alligators nous garant n’importe où marchant au milieu d’arbres drapés de guenilles scrutant la moindre flaque d’eau mangeant des libellules nous arrivant dessus en formation serrée attaque attaque qu’on gueulait comme si ça avait été des Japs...

(...) traversant nous reposant quelques minutes dans des villes fantômes avec des Main Streets qu’on aurait pensé de carton-pâte de façades seulement des rues de cinéma mais à se pencher sur les vitrines sales on voyait les magasins vides feuillets éparpillés balais abandonnés cartons même pas refermés toute une histoire de portes verrouillées partir sans jamais même se retourner les cops passant quatre fois le quart d’heure ralentissant pour bien montrer qu’on était repéré la caisse garée planquée on ne traînait pas on faisait les gars cools les gars normaux touristes un peu perdus mais pas assez pour que les cops s’arrêtent fesses serrées qu’on était sur bancs étalés avec nos gobelets size XXXL sodas sucrés pour essayer de rester droits dans la chaleur marteau dessus nos têtes des vieux passaient devant doucement fripés sous la visière de la casquette lunettes noires un geste du doigt tapant la tempe signifiant vous êtes chez moi dessus mes terres ne traînez pas les petits gars...

(...) retrouvant le soir un motel tellement paumé que même son gérant devait utiliser le GPS de sa caisse pour y aller découvrant cette fois USA Today un entrefilet parlant des gosses disparus de Sardinia, État de New York, États-Unis mystère entier familles inquiètes heureusement pas de photos seulement nos noms prénoms âges on s’est regardé ça commençait à se corser ils avaient mis le temps quand même rien sur la Ford rien sur les tunes dollars dont le paquet fondait doucement et ce n’était pas le soleil qui faisait ça on s’est regardé marré je crois que c’est la meilleure nuit qu’on a passé dormant rêvant cette fois c’était un road movie on y était et pour de vrai les stars c’était nous Hit the road Jack...

(...) fonçant maintenant sur Atlanta on pensait tous Coca on pensait Martin Luther King, Junior, on pensait J.O. athlètes à la con courant en rond comme les cobayes dans les cages au bahut salle de bio on les découperait un jour on pensait Atlanta roulant fenêtres grandes ouvertes la clim tant pis les cops tant pis on était des bandits on était bad voiture volée argent piqué une fugue folie sous le soleil on verrait bien la route une mère nous berçant dans ses bras larges gris brûlants certains moments tout juste si celui qui tenait le volant ne s’endormait pas aussi les autres c’était tout le temps qu’on roupillait manière de s’occuper de ne pas attraper mal au ventre de manger ces paysages nous tombant dessus à la pelle...

(...) ça semblait n’avoir aucune fin les motels les déjeuners on redémarrait bourrés de waffles de café de céréales de tout ce qu’on pouvait avaler en même temps que les truckers le reste du monde dormait encore sur le ruban il n’y avait que la Ford grise et les culs des camions soleil et les culs des camions et le bruit du bitume radio à fond et le cul des camions et les arrêts pipi et le nez des camions et les arrêts on mange et les arrêts soda et les supermarchés pour recharger les réserves de trucs à grignoter et le cul des camions et le bord des higways pour pisser rapides quand on ne pouvait plus attendre et les klaxons des trucks nous frôlant nous filant de ces frousses redémarrant laissant la gomme noire des pneus sur le gravier le soleil faisait sa moitié de roue et nous dessous le soir motel on tombait comme morts...

(...) ressuscitant le lendemain et bis repetitas déboulant dans Atlanta sans avoir vu la ville venir pas de skyline pas de dentelles de béton fer vitres collées à l’horizon comme un poster grandeur nature juste posés comme ça quelques gratte-ciels et tout autour les noeuds des highways tout entremêlés emmêlés on ne comprenait pas grand-chose à ces rubans partant dans tous les sens emballant la ville comme un énorme cadeau rose gris dans l’air saturé pollué se rebouclant essayant de nous perdre de nous faire retourner à Sardinia, État de New York, États-Unis, penauds déçus mais nous résistants suants tournant nos têtes de tous côtés engueulant conducteur GPS copilote on s’en sortait posant la Ford plein centre juste à côté d’un parc aux fontaines envahies sous le soleil enfants hurlants ne savaient pas que nous étions en fuite les plus petits dessous l’eau claire étaient tous fous...

(...) tournant un peu dans une ville paraissant s’oublier elle-même ne pas parvenir à être à la hauteur longeant des avenues pas déroulées pour les piétons nous les paysans ou presque sortis de Sardinia, État de New York, États-Unis, bien les seuls à traîner là à pied si l’on excepte les gars occupés à refaire le bitume rongé lépreux sous les ponts nous regardant passer se demandant sans doute où on allait le jaune orange de leurs gilets des taches qu’on distinguait de loin dans le tremblé de la chaleur dans la fumée goudron dégueulant des camions leurs casques posés dessus ces nappes blanches des îles de sang écarlate flou jusqu’au musée Martin Luther King, Jr, vide ou presque le cops vigile à l’entrée pressant ça va fermer ça va fermer personne n’osant plus respirer la vitrine les affaires du pasteur juste avant que boum boum Lorraine Motel là-bas à Memphis la ville morte ombre d’elle-même une valise une chemise une veste des bouquins un tee-shirt pas grand-chose des frissons certainement la clim bien à fond nous errant dedans comme dehors repartant nous perdant la caisse où on a donc garé la caisse dans les espaces entre les morceaux d’Atlanta petites maisons incongrues le pasteur la vitrine les avenues le bitume tout tournant mélangé et la Ford bien tranquille endormie tout au pied de la Roue tellement simple pourtant de retrouver chemin cherche la roue cherche la route...

(...) en trombes à nouveau sur bitume tant droit tant loin tant loin remontant droit océan grand le longeant mollement vers la ville des villes New York City maintenant qu’on visait pile on savait bien que ça ne pouvait pas durer le fric fondant on fatiguait tant loin devant la route lourde sur nos ventres pesait maintenant mais lentement aux stations on commençait à parler aux gars barbus faisant le plein comme nous errants mais eux sans but avec leurs yeux de pacotilles leurs yeux bleus gris rincés peu à peu délavés au fond leurs rêves un peu tremblants très fatigués de vieilles photos de vieux polas qu’on aurait retrouvé dans un carton dans le garage derrière le fatras oublié parcourant toujours des banlieues des banlieues des banlieues sous l’ombre fraîche des arbres les maisons s’endormant pendant qu’on visait Washington qu’on s’était dit il fallait faire un détour mais loin encore était la très White House les USA on les voyait à travers vitres même plus le temps de rien comprendre de plus en plus vite allant faisant de moins en moins gaffe aux cops aux limitations de vitesse à ne pas se montrer pourtant des jeunes gars comme nous sans doute loin de chez eux dans les petites villes on voyait bien que ça faisait tourner les têtes sous les casquettes dubitatives dans les fast foods les serveuses souriant chuchotant pendant qu’on se goinfrait sauces grasses de burgers tristes frites molles le soir la chaleur retombant rideau épais la nuit était un velours moite ...

(...) finalement la White House loin dans le parc immense ras l’herbe brûlée jaune du soleil des cops posés dessous les arbres un coin de l’ombre cherchant costards lunettes le fil torsadé oreillettes dessus les avant-bras un truc gris dur déplié dur cachant les guns on voyait bien aux pieds un sac dedans je te laisse tout imaginer d’autres guns sans doute plus lourds chargeurs ou quoi de l’eau tout simplement et leurs grands gestes sitôt qu’on s’avançait reculez reculez personne pour tenter une blague on voyait que c’était le genre à tirer sans sourciller de loin une White House de carton-pâte une meringue figée exactement celle des TVs et Joshua qui grommelait et Tom qui ne disait rien c’était donc ça cette ville-là une ville plate pas un immeuble pas un gratte-ciel pas de skyline de peigne à dénouer les nuages ce fleuve énorme qu’on traversait pour s’écrouler dans le motel donuts de rêve toute la nuit on entendait ronfler la ville et ses sirènes les clims comme des folles donc pas très loin roupillait grave le Président on s’en foutait à y penser un autre donut et c’est parfait en bas du motel des gars se battaient un autre donut et ça ira ça ira bien... 

(...) jusqu’à ce que la ville plate de la White House meringue nous sorte par les yeux qu’on se dise sans un mot on trace vers Philadelphie va savoir pourquoi sans doute que dans un film on avait vu celle-là de ville regardé en se goinfrant de pop-corn des plans-séquences des plans-bagarres des plans-courses-poursuites l’espèce de truc City Hall en plein milieu jouant à la rose des vents avec les avenues déboulant droit dessus sans doute qu’on se disait c’est une ville vraie une ville droite de lumière le long de la highway ça commençait chargé on sentait partout l’espèce d’énorme machin que faisaient tout du long les blocs de maison pas encore jointifs pas encore faisant une seule et même ville mais vrai de ce côté on commençait à ne plus distinguer l’une de l’autre les grands espaces maintenant bien loin et Sardinia, État de New York, États-Unis, aussi tellement que c’était à se demander si ce n’était pas une invention, si nous n’avions pas rêvé ce trou du cul du monde d’où nous étions partis enfuis dans une Ford Fusion dérobée avec un paquet de dollars et quelques bières et un culot à décorner les vaches de temps à autre au-dessus passaient des hélicos les cops encore mais nous dessous n’étions plus rien planqués dans la nappe uniforme des voitures en tous sens...

(...) convergeant allant où vers les grands ponts Philadelphia d’abord ce grand pont dessus milieu le gros péage presque le seul jamais croisé petites cabines les mecs dedans gantés de noir l’argent n’a pas d’odeur mais il est sale froissé trempé de la sueur l’homme-cabine automatique le même geste toute la journée exactement le même geste prendre les billets compter les tunes rendre les tunes have a nice day prendre les billets compter les tunes rendre les tunes have a nice day prendre les billets compter les tunes rendre les tunes have a nice day dedans sa paume une liasse énorme on pourrait le braquer ce con qu’on a pensé en même temps la nôtre de tune diminuait mine de rien et puis trop tard on démarrait le mec derrière toujours nickel et sain et sauf heureusement have a nice day car juste après les cops garés plus loin ça te calmait le pont énorme métal jaune doré partout l’eau tout dessous tellement loin la ville au bout tranquille et douce une jeune fille timide fraiche une ville comme ça...

(...) avec un motel perdu quelque part dans l’immense toile piège des banlieues highways autour de la ville croisant un napperon complètement dingue tellement plus que ceux qu’on voyait tous chez nos grands-mères à Sardinia, État de New York, États-Unis sur les appuis-tête accoudoirs des fauteuils canapés où les vieux lentement s’effondraient pourrissaient ne bougeant plus décollant plus de la TV toute la journée volume à fond télé-achat appareils magiques (et pas chers ou quasi) pour faire du sport mais sans rien faire avoir un corps de rêve jusque comme l’autre n’en pouvait plus de bouffe sodas saloperies ingérées à flux continu les vieilles dans les cuisines cuisant toute la journée des trucs lourds comme plomb nous les fourrant dessous le nez dedans la bouche quand on passait dire bonjour la vérité c’est qu’on était venu seulement pour les dollars glissés loucedé juste au moment de s’en aller ne dis rien à grand-père grand-père dormait la bouche ouverte on y tournait dans le napperon tissu bitume chaque maille nous perdait un peu plus et c’était là motel coincé tout allongé et à l’accueil le gars dormait il s’en foutait et nous aussi...

(...) et puis très vite sentant la grosse pomme pas loin sentant son poids tordant retenant l’univers vagues souvenirs des cours de physique de cette histoire de relativité générale champ gravitationnel le prof avec son collant noir tendu sur un cadre de bois et puis l’orange posée dedans puis le kiwi pour faire planète on se marrait derrière les cancres son collant venait d’où à se demander ce qu’il faisait tout seul le bougre le soir rentré chez lui on avait pris nos heures de colle grande habitude on s’en fichait dans le lycée quand on restait tard le soir nous les punis les rigolos ça nous laissait le temps du rêve et maintenant tous là assis sur ce banc noir dedans un parc Philadelphie loin loin de Sardinia, État de New York, États-Unis on entendait mais sans un bruit New York City qui nous appelait ça respirait mais très profond le souffle d’une ville on le sentait jusqu’à Philly il n’y avait pas même cent miles peut-être bien qu’en montant là sur cet immeuble on distinguerait les hautes tours de Manhattan New York City quand la Ford grise a démarré nos yeux brillaient la ville des villes était toute proche et on partait elle serait nôtre et dès le soir...

(...) le long de la Higway n’en finissant pas étalés des miles entiers d’entrepôts vides sales gris entassés les uns à côté des autres fils électriques dans tous les sens containers morts et tous les trucks et tous les ponts et cette eau sale qu’on voyait parfois briller entre les murs flaques immenses et tous les trucks et les bagnoles et puis les cops tout convergeant on ne voyait pas de l’autre côté la higway censée s’éloigner quitter la ville New York City one way un aller-simple tu ne peux pas ressortir d’elle personne ne rentre personne ne quitte cette femme-là bagnole de cops tous feux brillants sirène hurlante une autre derrière serrant une caisse noire longue fumée des hélicos suspendus fous et nous passant laissant devant la course poursuite toujours anonymes cette vertu des Ford grises la bête soufflait par les vitres basses pourtant au compteur NYC était encore loin on la sentait déjà ce parfum lourd d’ozone sale une haleine métal copeaux acier usine à vies usine à rêves et ce cimetière immense sans fin qu’on a longé un infini...

(...) jusqu’au tunnel plongeant dedans le ventre mort de la terre bleue on imaginait dessus des eaux noires fumées échappements le ciel était devenu du béton sale peau de bitume on suffoquait bagnoles partout un long serpent pas de skyline New York cachée timide jeune fille une montée sortie d’enfer d’un seul coup les skyscrapers peints sur le ciel le vrai poster tellement proche c’était un rêve tellement loin de Sardinia, État de New York, États-Unis d’où on aurait jamais parié un cent d’être là un jour à regarder venir la ville comme une femme folle courant vers nous échevelée et dingue de nous vous arrivez j’attendais tant de tous côtés les hélicos qui se jetaient vers les immeubles de loin c’était l’apocalypse une ruche dingue abeilles acier et les bateaux ces gros bourdons scotchés au sol sur la rivière blancs nets traçants des sillages gras Joshua hurlait Putain voilà putain voilà on ne savait quoi Tom ne disait pas un seul mot son habitude...

(...) deuxième tunnel beaucoup plus long nous avant comme des cerises oesophage gras lumières ça clignotait glauque feux rouges feux rouges tout le monde freinant dans le même temps tube digestif on ressortait en plein dedans Manhattan grand plus un seul ciel plus de nuages canyons béton avenues droites et tout au bout béton encore un tel bordel on rigolait quelle folle histoire dans la bagnole toutes nos affaires jetées partout tout rassembler le fric aussi ce qu’il restait répartir ça comme on pouvait tourner encore et puis encore rues avenues rues avenues parking sauvage dans un recoin garer la caisse n’importe comment on s’en fichait les herbes hautes dedans la Ford grise comme les blés la verrouiller jeter les clés une poubelle gueule grande ouverte se regarder hilares maintenant et dans la ville Manhattan haute s’en donner cinq et tous les trois en oubliant d’où l’on venait et sans regrets d’un seul coup tourner au coin et d’un seul coup comme ça facile tout simplement, tous disparaître.