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Kaki — Garde

On prenait dès lors possession des lieux, la pièce devant dont les fenêtres ouvraient sur l'avenue, la grille, puis derrière en enfilade, deux piaules avec deux lits, c'est là que dormiraient ceux qui ne seraient pas devant, assis derrière le bureau constituant le seul ameublement de l'endroit avec un meuble bas contenant des lampes torches ainsi qu'un fatras de vieux cahiers stockés là.

Les cahiers, c'étaient le fil rouge, l'outil de liaison entre les équipes se relayant dans la turne. On était censé y noter tous les événements suspects, et même y mettre les R.A.S. quand il ne se passait rien. C'était pas de la grande littérature, ces pages entières de R.A.S., mais ça me faisait tout de même penser à un journal intime dans une vie de riens, ça donne l'ambiance.

Quand on s'emmerdait à crever et c'était souvent, on y indiquait n'importe quoi pour s'occuper, un chat patibulaire probablement communiste assis en face du poste de garde pendant trois heures, des types à vélo bourrés comme des vaches s'embrouillant en roulant à vagues coups de poing tout en essayant de conserver une trajectoire compatible avec la route, un oiseau chinois venu chier sur une des statues de célèbres militaires d'autan disséminées ici ou là dans la caserne, parfois, quelques nuages arrivant de l'Est, ce qui constituait en soi une menace à considérer, enfin, c'était à l'adjudant de voir, il analyserait les menaces dès le lundi matin en vérifiant tout ça, tu parles d'une mission pour la France, une belle couillonnade assurément.