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Tombeau #2bis

Lui, le voisin, l'autre enfant du hameau, était énorme. On ne parlait pas encore d'obèse. On disait gros et ça passait comme ça. C'était de sa famille, des corps distendus, une probable histoire de gênes, de mauvaise nourriture aussi peut-être, de hasards, de riens qui traînent dans les placards que l'on vide pour s'emplir. Va donc savoir. Personne n'interrogeait les formes de nos corps. On les classait, et c'était tout. Le monde des maigres, celui des gros. Entre les deux, il n'y avait rien. Tout le monde au final mangeait à la même table. Les maigres n'étaient pas ceux qui dévoraient le moins.

Pour le gros, il est mort aussi, et quasiment dans ta foulée, enfin, pour être exact, juste une paire d'années avant que tu passes à ton tour vers l'ailleurs. Cela ne m'a pas étonné. Ce poids qu'il portait, je voyais bien, déjà quand nous étions enfants, qu'il l'userait à force de lui peser. S'il se trouve aussi, la mort prématurée de son propre père, écrasé un matin par la machine qu'il pilotait et qui l'avait coincé, broyé, tout contre un mur, n'a pas aidé à faire que son enfant se rassasie de vie.