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Tombeau #4

Les jumeaux n'en firent pas drame, rentrèrent dans la maison qui devint ainsi la leur. Ils s'étaient habitués de longtemps à se débrouiller. Ils continuèrent. Leur oncle, l'aîné, le quasi voisin, passait de temps en temps, puis moins. Les gars n'avaient besoin de personne. Les services sociaux ne s'occupèrent pas d'eux, à la fois parce qu'ils étaient finalement passés sous les radars comme toi jadis au collège. Et puis, très vite, parce qu'ils atteignirent la majorité sans déranger personne, ce qui arrangea tout le monde.
 
De ce que je sais, il t'arriva quelques fois de venir faire la fête chez eux. Faire la fête, pour vous, c'était vous saouler à mort, finir par vomir tout ce que vous pouviez dans le jardin derrière, ou n'importe où, puis vous effondrer jusqu'au matin avant de recommencer. Puis tu cessas aussi de traîner par là. Ta maison t'avait à nouveau avalé.
 
Pendant ce temps, les jumeaux devenaient hommes, si différents l'un de l'autre qu'on aurait pu les croire étrangers. Enfin, un matin, l'un d'eux prit le train dans la petite ville voisine, partit dans le Sud, ce qui n'avait aucun sens. L'autre attendit quelques jours, sortit à son tour, ferma la maison, glissa la clef sous le paillasson pour le cas où son frère rentrerait, ce qui n'arriva pas. Puis il démarra la guimbarde qu'il s'était payé à force de chantiers, de ces boulots misérables pour lesquels on cherche toujours des bras, quitta le village par la grande route, n'y revint jamais, même pas à la mort de son oncle, même pas à la tienne, et moi pas plus.