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Vallée #5

(...) ce grand bruit des pieds noirs du temps qui ensuite nous réveillerait la nuit nous secouerait à l'épaule violemment nous ferait nous dresser droits comme cierges dans nos lits détrempés d'une sueur âcre mauvaise vineuse tendre l'oreille des heures durant de plus en plus frissonnants terrorisés n'entendant finalement plus rien que les chiens dehors hurlant sans trop savoir pourquoi et les craquements des arbres que le gel tenait maintenant à la gorge et serrait sans plus vouloir lâcher son emprise et nos dents une chamade battant et les ronflements de toute la famille traversant les murs et les pièces et leurs ombres mouvantes et les rues même parfois jusqu'à ce que l'aube grise mercure vienne gratter aux portes et laver les rues de toute trace de la nuit et que l'on se retrouve au matin épuisés d'avoir veillé comme on veille le mort qu'on sera sans doute bien plus tôt qu'on ne le voudrait, épuisé d'avoir attendu d'entendre les roues de la charrette qui disait-on passe ramasser les âmes et nous laisse morts dans nos lits sales nos lits de moins que rien...