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La dispense #9

La dispense #9

Le tout début ce n'est pas ça au vrai puisque c'est bien avant, il faut donc remonter et c'est nager dans le rebours du temps pour toucher à sa source, la mienne suffira et la première image est aux heures du collège, un alignement de bancs bruns au bois tanné de fesses, trois lattes qui font l'assise mais c'est sans le dossier, le mur fait l'affaire et puis dessus il y a un crochet de métal brillant et un autre à côté et puis encore ainsi, on dirait une boucherie, et puis au-dessus trois mêmes lattes vraiment hors de portée du moins pour moi, il vient je ne sais d'où une lumière rase qui fait qu'on n'y voit goutte, le prof nous a emmenés depuis la ligne blanche derrière laquelle nous étions rangés là-haut dans la cour, nous avons descendu les marches vers le gymnase, nos sacs pèsent lourds de cahiers et de livres et puis en plus il y a l'autre, le sac d'EPS qu'on traînera toute la journée puant, nous sommes à présent dans les vestiaires, le prof tape dans ses mains, vous vous changez maintenant, je ne sais pas en quoi, je sors du sac de sport de quoi me déguiser en sportif du dimanche, j'ai presque tout l'attirail, je suis précautionneux, je sais ce qu'il en coûte et puis les sacrifices qui font que j'ai le tout, je cherche où me cacher pour enlever le pantalon, passer le jogging, cela ne s'appelle pas encore comme ça mais cela viendra bien, il n'y a nul recoin, tout est ouvert au vent, autour ça s'agite, je dois donc être le seul à avoir ses pudeurs, à ne pas tomber sur un claquement de doigts ses frusques et quasi tout, j'hésite trop longtemps et me voilà dernier, tous donc me regardent à présent et là je ne peux plus, je n'imagine pas une seconde me mettre à nu, montrer un corps dont déjà je ne suis pas fier, je sens sur moi les yeux fixés patients, cela devient urgent, les pas que j'entends arriver sont les baskets de l'enseignant, je sais que si j'attends une minute seulement c'est aussi devant lui qu'il faudra tout montrer qui n'est finalement qu'un slip, un tee-shirt serré mais chacun sa douleur alors je ne réfléchis pas et sur mes vêtements de ville j'enfile ceux faits pour le sport, personne de mes camarades à peine rencontrés ne dira rien et noyé dans la masse je passerais ainsi une heure et sa demie à courir comme les autres, à presque défaillir dans la chaleur de moi, c'est cela le premier de mes souvenirs de pratiquant sportif, quatre-vingt dix minutes sous trois couches de vêtements à flotter dans mon eau, on pourrait rêver mieux, ce n'est que le début de mon chemin de croix.