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Givre

Givre

Le temps devenu un bloc dur lisse brillant dont nous ne pouvions voir rien malgré tous nos efforts pour en lire les veines, le temps à la surface blanche glacée, une sorte de givre sur lequel nous formions de petites notules dures et rondes d'un blanc plus gris profond qui fondraient lentement, se fondaient dans l'ensemble, finissaient par disparaître — il y avait derrière les maisons un ruisseau sans nom gelant régulièrement mangé par une glace partant des rives puis fermant le passage heure après heure, centimètre après centimètre, et l'on pouvait distinguer les strates horizontales du grignotage, lues elles remplissaient même fonction que les cernes dans les troncs des arbres en indiquant les âges, les teintes aussi variaient comme l'on voyait en transparence quand même l'eau qui coulait dessous, parfois un roseau était pris aussi encerclé qui ne bougeait plus sous les heurts, l'herbe sur les bords était cassante craquante sous les pas, il s'agissait aussi de ne pas glisser tout en bas, il fallait s'accroupir pour limiter le risque et puis aussi on voyait mieux et puis aussi on sentait moins les chiquenaudes froides du vent et puis aussi on devenait une butte inerte de petite terre et nos parents ne nous distinguaient plus et l'on était tranquille des heures à étudier un microscopique monde à nos pieds déroulé, seulement ça.