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Tumulus #15

Tumulus #15

La plupart d'eux ne font que ça, suivre l'avancée d'une trace qu'ils enfoncent tous ensemble dans la terre molle ou la rocaille ou les rochers, c'est toujours la même chose, le paysage seul change et les visages des gens, les têtes de ceux qui par-dessus les palissades les regardent s'échiner, les visages des femmes qui les servent le soir dans les restaurants où ils font de grandes tablées silencieuses autour desquelles personne ne traîne le repas avalé tant le corps n'en peut plus de fatigue, les visages des filles qu'ils croisent le matin au sortir de leurs chambres d'hôtels miteuses atendant dans les couloirs qu'ils partent pour nettoyer derrière leurs chambres où s'entassent ce qu'ils ont de maigres bagages, ceux qui ne vont nulle part ne se chargent jamais et eux ne vont jamais ailleurs qu'au bout de la tranchée, ils s'en reviennent le soir, les chambres sont rangées et les serviettes pliées, la routine est sans fin, il n'y a que les fins de semaine pour apporter quelques changements et encore, ce qui change, c'est qu'ils peuvent ne pas se lever tout de suite même quand l'habitude chevillée les fait s'éveiller tôt, rien ne presse, ils lambinent, passent la majeure partie du temps à somnoler, la TV sur le mur laisse couler sur eux son onguent, tout cela n'a pas de sens, ils guettent les repas, ils guettent le soir qui vient, et sourient quand ils peuvent à la réceptionniste qui les oublie de suite, ils sont tellement nombreux, et se ressemblent tous.