Tumulus #6
Un matin donc, après avoir traversé la forêt où les herbes et les arbres n'en finissaient pas de s'écouter s'égoutter, une camionnette blanche a longé les étangs sous les regards indifférents de trois hérons endormis presque encore, a pris les virages les uns après les autres comme s'ils avaient été les folles courbes d'un circuit Formule 1, s'est garée là au bord d'une route tous warnings clignotants, il y avait partout cette brume effilochée, un très mauvais coton, il valait mieux pour commencer éviter l'accident et personne de fait ne remarqua vraiment ce jour-là les deux hommes qui passèrent quelques longues minutes, assis sans sortir du véhicule, à pianoter sur les claviers des PC portables tout terrain maintenant posés sur leurs genoux emballés d'une toile rude, de celle dont on fabrique les vêtements de chantier, ce tissu-là, rêche et brillant un peu et toujours surpiqué de bandes fluorescentes, comme si cela ne suffisait pas d'être engoncé là-dedans, il fallait encore être vu de loin ce qui, donc, n'arriva pas : les voitures qui passèrent à cet instant précis étaient toutes, par un hasard énorme, celles de ceux qui traversent le village mais n'en sont pas, ne font qu'aller d'un côté à l'autre de la vallée, ne se préoccupent donc pas de ce qui agrémente le chemin, ils ont bien trop à faire, ils essaient juste de n'arriver pas en retard pour embaucher et passèrent donc sans prêter garde aux deux hommes qui, leur tâche terminée, redémarrèrent pour aller se garer plus loin, et puis plus loin, et puis plus loin, sortant rapidement du cadre de l'histoire et ne laissant derrière qu'à peine quelques brins écrasés aux bas-côtés, les grands bouleversements commencent souvent d'un rien du tout, c'est cela qu'on attend.