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Contes

C'est une histoire à dormir debout et vite, disait-il en posant son verre, un de ces contes qu'on se passe le soir les uns les autres pendant que les enfants qui ne savent pas se jouent dehors, une de ces fadaises que nous connaissons toutes et tous, qui parlent de nous et de cailloux mais c'est même chose, même destin, être posé là sans trop savoir pourquoi et ne pas en bouger, jamais, au grand jamais, et surtout pas, parce qu'on verrait alors nos ventres si l'on nous retournait et les petites bêtes molles qui vivent dessous et s'enfuient en tous sens quand la lumière les touche, ces petites blanches larves qui nous surprennent à chaque fois, qu'on a envie d'écraser d'un coup d'ongle, d'un seul coup de talon et qu'on laisse pourtant se faufiler dans les interstices du sol, dégoûtés qu'elles nous laissent, une légende comme ça reprenait-il, dans laquelle on retrouve à chaque souffle qu'avale le conteur les figures qui écoutent dans la pénombre et qui sont spectatrices et tout autant ceux dont on parle, les mêmes exactement, parce que c'est eux et puis c'est nous et ceux d'avant, pareils, toujours pareils, qui sont là-dedans embringués dans cette sorte d'ambre qu'est la lumière couchée sur la vallée.