KO Computers — Packard Bell
Derrière, j’ai commandé un Packard Bell, un PC qui m’a coûté quelque chose comme une fortune et que j’ai payé en je ne sais combien de mensualités — je l’avais commandé sur le catalogue de la CAMIF, rien que ça, j’étais devenu pion, échelle sociale quand tu nous portes, j’avais maintenant une sorte de salaire, rien de mirobolant mais ça permettait de voir venir et donc d’acheter à crédit, sale manie que je n’ai jamais perdu parce que j’ai toujours eu l’impression comme ça de payer moins cher mes achats quand n’importe quel demeuré comprend que c’est exactement l’inverse qui se passe (tes réflexes de presque paysan, tu les perds pas si facilement, tu peux me croire sur facture).
Quand j’y repense, on ne devait pas être loin de deux mois de salaire de l’époque, tout ça pour recevoir un jour par la camionnette jaune de la Poste deux cartons monstrueux qu’il me faudrait monter moi-même au deuxième étage (j’avais déménagé et en fait de chevaux sur un manège, je ne voyais plus que des bagnoles toute la sainte journée qui partaient à l’assaut de l’autoroute) parce que le préposé me dirait qu’il était pressé et que je lui dirais que ça allait aller sauf que j’avais pas prévu que je ne pourrais pas monter les deux cartons en même temps et que dans ce coin-là, il valait mieux ne pas laisser traîner un carton tout seul, surtout s’il ressemblait à quelque chose contenant du matériel électronique (pour te dire, un jour, j’ai vu passer depuis mes fenêtres des gars chargés d’agglos qu’ils portaient comme ça, nonchalamment, comme s’ils revenaient des courses, et puisque en pleine ville, c’est pas courant quand même, un magasin d’agglos, je m’étais un peu intéressé au truc jusqu’à m’apercevoir que la boutique un peu boui-boui d’alimentation qui venait de fermer juste là-bas, et dont le proprio avait muré la vitrine le matin, les mecs en désossaient le mur avant que le ciment ne sèche et que plus rien ne bouge alors tu imagines, mes cartons devant la porte tous seuls ?).
Bref, ça se ferait quand même, au prix d’une bonne suée — une de plus mais je raconte trop vite, le grand chapitre sur les suées vient juste derrière, le temps que je termine celui sur Packard Bell et sur ce que je rajouterais dans le boîtier, du disque dur, un lecteur CD-ROM, de la mémoire vive, essayant bêtement de suivre la course en trafiquant cette vieille carcasse (rien de plus vain, vraiment, puisque ceux qui vendaient ce qui faisait tourner tout ça savaient trop bien faire gonfler leurs propres besoins et que toi là, tu ne pouvais que vouloir suivre) jusqu’à ce qu’elle perde tout attrait — je ne sais pas où elle peut se trouver maintenant à pourrir, sans doute coincée dans mon passé.