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KO Computers — Home Made Computer

Bon après tout c’était quand même pas sorcier, une bécane, si tu y regardais vraiment : une carte-mère, une bonne grosse alim qui soufflait la tempête au démarrage, quelques cartes enfichées, un disque dur (de plus en plus gros, les disques, et même qu’il m’est arrivé d’en avoir un à moitié prix, le vendeur s’étant trompé et m’ayant filé après paiement un qui faisait le double de celui que j’avais payé — tu penses bien que j’ai trissé quand dans la rue j’ai lu sur l’étiquette la capacité monstrueuse, 128 Mo, du bloc d’acier brillant que je tenais en main, et que je ne suis jamais retourné là-bas, dans le magasin en bas de la rue aux V., sur les quais de M. : j’avais trop peur qu’en franchissant la porte, le mec n’appelle les flics et que je me retrouve à croupir dans les geôles de je ne sais où) et un boitier pour coller bien dedans tout ça. Un Meccano, en sorte, même si j’ai jamais eu de Meccano, à dire vrai.

Donc forcément, si c’était pas sorcier, à un moment, j’ai eu envie d’en monter un de toutes pièces., de monter mon Golem à moi, forcément.

Alors voilà, c’était comme ça : il suffisait de passer plusieurs semaines à la bibliothèque à feuilleter tout ce qui passait de bancs d’essais, de tests, de pubs, et à brasser ça pour en sortir la liste des composants dont je rêvais même si évidemment, au magasin, ils n’auraient rien de tout cela et que je finirais par suivre scrupuleusement les conseils du vendeur, celui-là même qui ferait erreur sur le modèle de disque, à se demander avec le recul si cette erreur n’était pas volontaire et qu’il n’avait pas voulu donner un petit coup de pouce au jeune bricoleux que j’étais alors (on peut rêver, n’est-ce pas, se dire que le vendeur avait un coeur de midinette, trouvait que j’avais bien du courage, etc. etc. — tu parles, il s’est trompé et puis c’est marre, et faut dire que ça s’explique, la minuscule boutique était toujours pleine de monde, il y avait la queue dès l’ouverture du matin et plus souvent qu’à son tour, son tour, on l’attendait sous la pluie et les baffes du vent qui a toujours su par où passer dans ces rues-là pour faire son oeuvre le mieux).

Une fois rentré à l’appart, toujours le même, ce serait alors assez vite fait : tu visses ça là-dessus, tu branches ce truc sur ce machin, tu vérifies tout plutôt deux fois qu’une parce que tu as peur de faire cramer un composant un peu fragile, tu revérifies ta vérification, tu enlèves ton pull parce qu’à force, tu es en sueur (nous y voilà), et tu branches. Tu poses ton doigt sur le bouton On/Off, tu fais une rapide prière à Saint Transistor, tu te signes et tu appuies en fermant les yeux. 

Bonheur, ça marche, l’alim commence à cracher tant que tu es décoiffé, ça vrombit de tous les côtés, ça vibre, ça semble vivre et oui, indescriptible plaisir, tu vois sur l’écran noir le message du bios : tu as donné la vie (ou presque).

Voilà, c’était mon premier PC fait main — tous les autres, les suivants, le seraient de même, et je n'achèterais plus de PC de bureau tout fait pour ma pomme, au point que maintenant, je ne sais même plus combien il y en a eu, de ces bricolages plus ou moins heureux, plus ou moins chers, plus ou moins bruyants, plus ou moins fonctionnants encore pour certains (je sais des caves où d’aucuns dorment toujours à ce jour et je me dis que peut-être, en les branchant, en posant son doigt sur le bouton, en faisant une prière à Saint Transistor, ils pourraient ressusciter d’entre les PC morts — Amen).