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Tumulus #13

Tumulus #13

Il y aura des tonnes et puis des tonnes de glaise charriée, des rocailles à foison, des herbes décapées et mêlées, des choses dont on ne sait le nom qui font une pâte du monde et tombent des godets hauts aux camions dans des bruits mous, lascifs, gras, pendant que d’autres sont des tonnerres, la pierre est y bien dure cognant l’acier en gros roulements, de tels chantiers font bruit d’enfer, on entend tout à leur ronde le remuement qu’ils sont et qui longtemps et loin résonne, le bruit des échappements, celui des masses qui tapent claires, les cris des hommes hurlant pour tenter de passer par-dessus l’orage mécanique qu’ils génèrent et on ne gueule jamais assez parce que c’est presque une bataille, une guerre, il y a un front qui va devant et puis derrière tout qui s’en suit, il a aussi ces brefs moments où ça s’arrête, c’est le midi, c’est une trêve brève, on se pose où l’on est, on dort même si l’on peut mais plein seulement du repas à peine chaud faisant tout de même son animal dans les ventres remplis, à la fin de la pause les seuls sons surnageant dans le silence enfin sont les ronflements lourds de ceux qui peuvent, le bruit plus fin des cigarettes sur lesquelles on tire fort, les discussions voix hautes, il y a une sirène et c’est déjà la reprise, un dormeur sursaute, il fait cela chaque jour, ne s’y habitue pas, à ce sifflet aigu, et chaque jour de même, le dormeur s’étire, se lève en maugréant et puis dans ses bottes grises, s’en retourne comme les autres creuser un peu plus loin comme s’ils creusaient ensemble une tombe qui n’a nulle fin.