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Crash #10

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" L'impression était étrange. J'étais sans conteste moi puisque je savais l'être et que tous mes souvenirs, toutes mes pensées, tout était présent et jusque dans les moindres détails, plus précisément, d'ailleurs, qu'avant ma virtualisation, ce qui n'était pas l'avantage le moins négligeable de l'opération qui, extrayant de la masse cérébrale l'intégralité de ce qui s'y trouvait même apparemment oublié, rendait au virtualisé la totalité de sa perception du monde et de sa vie passée. J'étais donc moi mais puisque je n'avais plus de corps, je n'étais rien ou plutôt, je sentais tout autour de moi une sorte de halo qui était comme la trace lentement s'effaçant de mon organisme à présent détruit, sensation par ailleurs permanente puisque je ne dormais plus — si les bonnes manières et les nécessités techniques de maintenance faisaient qu'il était de bon ton de se mettre en mode suspend quand la nuit tombait dans le monde "réel", je n'avais aucune raison de perdre ainsi mon temps à présent que toute ma personne était concentrée dans quelques giga-octets de données et de système noyés dans les péta-octets qu'avec mes voisins, aux revenus trop modestes pour se payer un support-avatar et attendant sous la glace un hypothétique changement de leur situation financière pour en sortir, nous représentions, notre seule manifestation physique, ou presque, se réduisant à des leds clignotant en permanence sur les façades des racks de centaines de milliers de machines entassées à perte de vue (manière de dire, il n'y avait dans ces fermes que des robots {...} pour prendre en charge tout ça, et nous encore, dedans). "