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Tumulus #4

Tumulus #4

Quelques années avant, pas tant que ça et bien moins que l'avant dont il sera question après, quelque élu quelque part a eu cette idée un matin en se rasant qu'il fallait une route qui aille d'ici jusque là, une route qui rapprocherait l'ici et puis le là tout en laissant une trace, une trace de celles que personne ne saurait oublier et certainement pas ses électeurs, on connaît la chanson et sa chute connue, le temps qui passe lavant tous nos affronts en faisant disparaître sûrement toutes nos oeuvres sous l'humus des siècles, le gras lard qu'il pose lentement sur nos petites choses, et les plus grandes aussi, on sait que les routes peuvent en être et dans les forêts du village d'ailleurs où est la bosse qui nous occupe passait jadis une voie romaine dont il ne reste témoignage, du moins, rien que le commun des mortels puisse distinguer quand il se promène sur le chemin actuel, une balafre qui va droit tranchant en deux la masse verte, sous lequel est enfouie à peine si l'on en croit les archéologues une chaussée où couraient les chars d'alors et leurs chevaux luisants comme rapides. Son after-shave étalé donc puis sa cravate nouée, l'élu a fait ce qu'il fallait pour que son idée puisse devenir du bitume et le reste, bas-côtés, virages secs et glissières ad hoc, et bel et bon argent aussi et puis emplois qui en découlent et tout cela qu'il saura vendre enfin en échange de voix, ne nous attardons pas, il a convoqué l'un de ses assistants, un jeune homme aussi apprêté que ses dents sont longues, et lui a simplement montré une carte en disant sans détours "je veux une route qui fasse ça" ce qui sur le papier, nonobstant les difficultés que l'assistant connaissait mais dont il savait déjà comment les contourner, ne semblait pas grand chose à faire, ce qui faisait que la suite était toute tracée ou presque : quelques dossiers quelques débats quelques mois longs plus tard un peu de sueur et d'ouvriers et l'on pourrait inaugurer, c'était une affaire entendue.