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Des livres, des morts et des portes

Je me souviens de la première et unique fois où j'ai croisé Philippe Aigrain IRL. C'était à un évènement organisé autour de questions d'édition. Avant le truc, invité je ne sais comment, je m'étais retrouvé avec tout un groupe de personnes, auteurs Publie.net, sympathisants, amis, chalands, dans un bistrot juste à côté de la salle parisienne où ça se passait.

Dans le bruit, il y avait ce type, un grand aux cheveux blancs avec une tête de montagne, qui ne parlait pas beaucoup. Moi pas plus. J'ai compris après coup, bien après, que c'était Philippe Aigrain, et qui c'était que ce gars.

Juste derrière, il y a eu cette sorte de table ronde que le coup du bistrot précédait. La table n'était pas ronde mais toute droite, il y avait Roxane Lecomte, François Bon, d'autres, peut-être bien Sébastien Rongier, j'ai souvenir en tous cas d'un en cheveux, ça m'avait époustouflé, d'être parmi eux.

Assis à côté de moi pendant la table ronde qui ne l'était donc pas, il y avait Jef. Je ne le connaissais pas d'avant. Je n'avais pas pipé mot durant une heure, je ne savais pas trop quoi dire sur le sujet, moi, je donnais juste un coup de main sur la mise en page des fichiers Publie, je n'ai jamais été très bon sur la parole en public, et puis Paris, quoi, j'étais impressionné. 

Quand le truc s'est terminé, Jef s'est tourné vers moi et m'a dit avec sa bonne tête, son sourire énorme, qu'il avait adoré la pertinence de mes interventions. J'avais tellement ri. Tellement. J'ai adoré ce type de suite. Il est mort maintenant.

On a fait des choses vraiment extra avec Publie.net. Je bricolais pour aider. Dans les fichiers que j'ai mis en page, il y avait un des textes d'Antoine Emaz. Cuisine, il me semble. 

Antoine, on l'a fait venir à la soirée de clôture des ateliers d'écriture que François a mené à la BU d'Angers quand j'y étais, quand on y faisait encore des trucs importants, des trucs d'écriture, de la littérature. J'étais terriblement fier d'avoir ces deux-là ce soir-là, terriblement. Antoine, il est mort aussi maintenant.

Philippe Aigrain, je ne l'ai jamais recroisé IRL. Une fois, alors que je disais que les gens étaient fous suite à un retour de lecteur très flatteur sur un de mes bouquins parus chez Publie, Philippe m'a envoyé un petit message qui me conseillait juste de profiter de ça, de ce retour, parce que ce n'était pas tous les jours. Il avait raison.

On a aussi échangé un peu, un autre jour, sur l'idée d'un crowdfunding pour préfinancer des parutions de bouquins, dans la lignée des souscriptions d'antan : le bouquin ne sort que quand suffisamment de personnes s'engagent pour le porter à naître.

Moi, j'ai toujours beaucoup aimé cette idée. Philippe, cette fois-là, m'avait semblé assez peu convaincu. C'est un sacré paradoxe, avec le recul, cette histoire. Surtout qu'évidemment, on va le porter, ce bouquin de Philippe, parce que ce n'est pas possible autrement, et même si Philippe est mort aussi maintenant.

Ce petit billet qui n'a ni queue ni tête mais j'ai l'excuse qu'il est tard, ce billet tardif parle donc de livres et de morts et de portes. Les portes, c'est parce que je ne sais qui m'a dit un jour qu'il faut toujours fermer la porte à la fin, quitte à la rouvrir après.

Alors je ne sais pas vous mais moi, ce crowdfunding, c'est une manière de fermer la porte de l'aventure Publie.net, mais ce n'est pas triste, c'est juste pour pouvoir éventuellement la voir se rouvrir un jour. Et ce serait chouette de finir sur une dernière belle histoire, une histoire d'amitié, de collectif et de livre. 

Venez, participez.