Vase communicant : The One Shot Mi
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BO : Jack The Ripper - Libération
Tu traînes la nuit avec toi, dégoulines, t'amouraches des orages qui imposent l'obscurité au jour – à croire que tu as soudoyé les cieux.
Lieu après lieu, le souffle de ta marche laisse les traces de ton abandon. Les couleurs s'amenuisent, les costumes s'éliment, le chemin défait ses lignes, la lumière tremble et mes contours s'épuisent peu à peu dans un flou qui converge fatalement vers la réalité de ton inexistence.
Je t'ai appelé onze fois aujourd'hui, pour entendre le son de ta voix. Mécanique, voilée, précipitée - un autre monde. Je suis allée rechercher les photos de notre dernier week-end, le vent le froid la côte, cet Atlantique que je ne connaissais pas. Ses vagues, rouleaux impétueux, sauvages et nos imper détrempés. Le réchaud, le camping, la batterie de cuisine qu'on oublie sur le toit de la bagnole en partant, ton anniversaire. Ton visage - pixellisé, ton regard absent - de la scène, des gens qui t'entourent, de notre vie, de ta vie : je ne t'y reconnais pas.
De mon impuissance face à la maladie, de ces derniers mois qui s'apparentent à un progressif détachement, je n'ai pas vu venir voulu voir venir ton abdication. Qui suis-je pour juger de ton refus de continuer ? Cette douleur incandescente, ta présence qui brille par son absence aux autres, qui donc pour comprendre ? Je t'ai pourtant vu t'effondrer parmi les autres, ton corps craquer et basculer vers poussière et que n'ai-je fait ? Le ciel est lourd ce soir comme chargé de ma culpabilité.
Et pourtant.
Et pourtant, tu es juste de l'autre côté du fleuve, presque à portée de bras, presque à portée de doigt. Te revoir, te parler, il suffirait de traverser. Je me délie ce soir et me libère. Te revoir, te parler, il suffirait en pensée. Et ce soir, ce soir je reprends la route pour la continuer là où on l'avait laissée. L'heure n'est pas au passeur pour moi.