Fossile #2
On ne saura jamais à quoi pense l'enfant dans son uniforme blanc aux chaussettes impeccablement remontées lui venant presque aux genoux, on ne saura pas ce qui se passe sous la mèche étrangement blonde coiffée parfaitement parce qu'un peigne est venu au dernier instant juste avant le déclic domestiquer quelque mèche qui aurait pu nuire à l'image tellement lisse qu'elle ne peut qu'être construite et posée, rien n'est là au hasard, le hasard vient ensuite, dans les années qui tombent entre soi et puis soi, on ne sait donc pas à quoi pense l'enfant et il ne doit rien en rester, tout est flou à cet âge et après c'est pareil tout est masse dans laquelle on défonce une route à grands coups de machettes, à larges phrases et puis mots mais avant, à cet âge, l'âge de rien, il n'y a rien, vraiment rien, notre langue n'est pas là ou encore pas rodée et même moins et l'enfant ne sait donc que lambeaux d'une langue qui boite et n'est même pas une langue et ce n'est même pas celle de celui qui vous parle et voilà déjà là une faille entre nous, lui debout dans son blanc sans paroles et puis moi là maintenant écrivant dans le noir, il regarde droit devant vers l'objectif et c'est dans l'oeil du temps qu'il regarde, il essaie de comprendre, pressent peut-être même que c'est lui qui bien plus tard reviendra lui parler mais cela il ne le peut savoir, c'est tellement insensé de parler et d'écrire, tellement inutile, cela ne vaut guère plus que le vol des oiseaux, on devine hirondelles, qui autour vont des toits jusqu'à l'église et de l'église jusqu'aux toits, l'enfant blanc ne voit rien, il regarde l'oeil du temps et se tient emprunté tellement droit qu'il est à la parade, c'est un petit soldat, c'est ce que je ne suis pas et pourtant suis toujours, un soldat face au temps.