Tu ne parles pas

Tu ne parles pas. Tu es resté dans la pièce à présent vide, tu as écouté la porte se refermer sur les derniers à partir, tu as senti le fil qui se déroulait dehors, tu as attendu un moment que quelqu'un revienne sous un prétexte ou un autre et vous auriez été certains tous les deux que le prétexte n'était qu'un prétexte mais personne n'est revenu et tu as partagé l'espace avec le silence et ce silence était une indéniable table longue au bois sec vivant encore et ce silence était un silence océan plein des mots qui n'avaient pas été prononcés mais s'étaient quand même posés dans un lieu avec quelqu'un pour t'y croiser, tu as attendu et attendu et rien ni personne n'est revenu mais tu savais que quelque chose arrivait parce qu'il y avait des mots pour le dire pour le faire arriver et que tu sentais que quelque part, ailleurs, les mots étaient déjà en marche qui trouveraient à qui parler parce que tout était en place depuis longtemps, depuis le premier moment, le premier jour, le jour des premiers mots qui avaient été anodins mais pas tant que cela, certainement, il n'y a nul mot anodin et ceux que l'on ne prononce pas le sont encore moins que les autres puisqu'ils nous servent à ça, poser les fondations des choses qui nous arrivent et font nos vies, tu sais tout ça, tu le savais depuis toujours, tout le monde sait ça, personne ne revenait mais quelqu'un t'attendait qui savait très exactement la même chose que toi, avait entendu les mêmes mots par personne prononcés, attendait aussi, te parlerait. Tu ne parles pas, tu ne parles toujours pas dans la pièce vide et pleine, tu attends juste, tu attends tout.