Vallée #4
(...) sur lequel le temps et ses pieds marchaient sans plus de cérémonie que cela mais en faisant un grand bruit sourd qu'on entendait quand on posait la tête sur la terre froide dure terrible qui était notre terre et dans laquelle on savait bien qu'on terminerait alignés à la parade silencieux un temps au moins, un grand bruit qui nous remuait les tripes et vibrait dans nos oreilles quand on se relevait blêmes transis de l'avoir entendu alors qu'on avait pensé quand les autres en avaient parlé que ce n'était qu'une des légendes qui couraient entre les maisons et les feux du soir et les siècles des siècles qui couraient entre nous qu'on tirait des grands paniers de nos mémoires et de celles de ceux d'avant qui les avaient emplis, ces paniers imaginaires, de ce qu'ils avaient reçu en héritage et de ce qu'ils avaient ajoutés inventés comme nous le ferions à notre tour histoire d'en alourdir encore la panse d'osier craquante sous le poids que tout ça faisait nos histoires leurs histoires ce grand bruit des pieds noirs du temps qui ensuite nous réveillerait la nuit...