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Nuit noire - brassées

La grande nuit noire des regrets dont on cueille des brassées qu'on laissera sécher dans les greniers où l'on ne va jamais de peur de s'y perdre pour toujours, la grande nuit noire des mots qui est celle de la langue qu'on finira par oublier après quoi on ne parlera plus qu'à gestes et puis à riens toute la journée dans nos chaises cloués, cette nuit là vraiment noire qui arrive de très loin et nous vient par la large coulée que fait toute vallée lorsqu'elle laisse passer les eaux et s'approche en rampant telle une bête folle enragée folle et doucement tellement qu'on ne voit rien et d'un seul coup il est trop tard on tendrait juste nos mains devant qu'on ne les verrait plus, cette grande nuit noire là avec ses bras d'hiver et cette haleine qu'elle a pour nous, celle du passé, celle de nos morts, celle de chaque jour brisé exactement comme on le faisait enfant de nos jeux qui étaient des cailloux des bâtons quelques bouts de ficelle, le silence qu'on crevait de hauts cris et de nuits, et de nuits à venir.