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Loire III

Quelque chose comme passer le fleuve le long du chemin grandissaient les jambes d’acier des grues des hommes pendant qu’en bas et jusqu’au ventre de l’horizon fondait une langue grise celle de l’eau celle du temps et nos regards qui portaient loin cherchaient nos traces celles laissées par ceux d’avant de part et d’autre de nos rives c’était nos rêves tels navires sans cesse poussés et là ce qui comptait n’était pas l’océan dont nous savions qu’il arrivait mais ce que nous pouvions cueillir recueillir au fil de l’eau le long des terres mais ce que nous pouvions voir passer et qui nous regardait passer ombres de l’aube de celles qui ont apparences de fantômes de spectres que l’on devine se faufilant entre les rideaux des haleines du courant de la bête de la puissante bête qu’est cette chose jamais domptée jamais tenue et dont on sentait bien à s’y laisser porter qu’elle ne nous y laissait que par mansuétude et puis aussi pour s’amuser de nous marins d’eau douce partis à la conquête de nous seulement ça – nos enfances étaient d’îles alors partir et les chercher et les voir arriver se découvrir de leurs linges timides les voir émerger presque comme à regrets juste au-dessus de l'eau les voir devenir moins floues à mesure que nous les touchions doucement les abordions avec ce sentiment d'aller trop loin de prendre risque de briser quelque chose leur solitude la solitude des îles ce qui explique que souvent et malgré tout malgré ce que nous portions de désir nous n'abordions même pas ne les abordions pas restions passions à belle distance manière de les laisser dans l'abandon de leur présence manière aussi de nous laisser nos chances de pouvoir demeurer dans notre si longue et si douce quête (et ce n'était pas les moins braves qui longtemps restaient là à la poupe de nous à regarder s'effacer ces terres basses à les laisser comme se gommer elles-mêmes - personne alors pour leur parler les consoler puisqu'il aurait fallu les consoler d'eux-mêmes).