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Plis entre plis #4

Plis entre plis #4

C'est donc le choc en pleine face d'une langue qui vous renverse, une vague vraiment même si l'image est mille fois déjà vue, usée comme une lettre portée longtemps sur soi et dont les bords, les plis, en deviennent pelucheux, fins comme cette peau qu'ont les très vieux — cette image de vieillards n'arrive pas sur un hasard, elle me remonte de Triptyque et de cette figure de vieille femme de noir vêtue qui traverse le texte je crois, des livres il ne me reste que des rochers à peine encore émergés sur la mer, j'ai le livre juste là, je ne vais pas l'ouvrir, disons qu'il y a cette vieille femme marchant pliée en deux entre les pages, elle est toutes les vieilles femmes et celles que j'avais vu dans la vallée d'où je me suis sorti, et celles que j'y revois encore, ces dames qui ne voient plus du monde que le sol, ces ombres à foulard noué, ces sortes de mystères — le cavalier aussi, je ne revois jamais un cavalier sur son cheval sans repenser à celui de la Route, avec les années pour regarder en arrière qui font un matelas pour que j'y tombe il me semble que c'est ça, plus que la phrase, qui m'a retourné totalement : il venait dans la houle des pages immenses des personnages qu'on aurait dit gravés dans la chair même de l'éternité, voilà, je fais des phrases, j'en oublie le jeune homme debout l'épaule contre le métal gris de son rayon et qui halète et qui se perd, où est donc l'histoire dans ce fatras

à suivre

Une première version de ce texte a été publiée

par l'Association des Lecteurs de Claude Simon

Merci à @cgenin pour l'invitation