Etourneaux
J'ai vu tomber des arbres des étourneaux et par centaines en une pluie de corps et noirs et blancs qui faisaient sur le sol pelé des damiers grands, des damiers frémissants que nous approchions à lents pas de loups, j'ai vu pleuvoir des oiseaux morts ou presque tellement le gel était cette année-là mordant, j'ai vu ces masses à peine tièdes que nous glanions avec nos mains d'enfants, que nous serrions doucement dans nos chandails pour tenter de les réchauffer, que nous portions dans la salle de classe auprès du poêle dont la gueule rouge crachait son feu, j'ai vu certains se réveiller et s'envoler et s'en aller de frayeur pure se fracasser dans les hautes fenêtres, j'ai vu autour tant de visages, et plus aucun n'a de nom maintenant, et moi non plus je n'ai plus nom, pas même figure dans le charivari du temps, et de tout cela il ne reste rien, que le bruit mou que ça faisait, ces corps légers tombant à terre.
bouvreuil étourneaux archie scheep
Il y a à l’horizon de ce jour
De la porte qui s’ouvre sur le chant d’un bouvreuil
Et le goût du beurre
le vol alambiqué des étourneaux survolant le jardin
les belles roses de novembre
le chien qui tourne et demande son repas
le grand feu de branches aperçu en allant tout à l’heure dans les antiques ruines de Saint Blaise
la conversation avec la factrice et le voisin
l’anonyme baroque qui fit sonner pour deux violons
et plus tard à la nuit
Archie Schepp faisant joyeusement la Fiesta
Tout ce lent travail suspendu au désir et au plaisir d’élaborer au mieux
et dans un temps qui n’est jamais compté
ces écrits paradoxaux que l’on se donne l’illusion d’appeler poèmes