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KO Computers — ZX 81

Là (oui, tu as raison, la chronologie n’est pas juste, le ZX 81 c’était bien avant tout ce dont j’ai parlé pour l’instant mais je fais ce que je veux, le gros avantage de ce qui se passe dans ces pages, c’est que je peux tordre le temps comme je veux) on touchait au fantasme, le vrai, l’inatteignable, un graal sur papier glacé que je tannerais tout le monde pour en avoir un, et que jamais ça ne se ferait puisqu’à l’époque, j’étais trop jeune pour avoir quelque argent à moi et que pour dépenser le fric si mince qui dormait dessus le livret A chez l’Ecureuil, fallait expliquer ça au père et que lui les ordis, il ne voyait pas réellement à quoi ça pouvait bien servir — un marteau ou une truelle, il voyait bien, un clef à molette aussi, ou une hache, oui, mais un ordi, franchement ?

Dans la mémoire que j’ai de la publicité sur laquelle on tombait au détour des revues, j’ai souvenir d’un truc tout plat qui nous arrivait dessus comme tombé des étoiles, à croire que l’engin nous avait été offert par une puissance extra-terrestre supérieure pour faire de nous ses égaux. Le constructeur de ça, c’était un certain Lord Sinclair, qui récidiverait quelques temps plus tard avec le ZX Spectrum mais pour moi, Lord Sinclair, ça a toujours été Lord Brett Sinclair, celui du feuilleton avec ses lavallières et son accent aristo alors de là aux ordinateurs, il m’a fallu des années pour comprendre qu’il n’y avait aucun lien entre le Lord des ordis et celui que je voyais à la télévision emballer des filles toutes plus sexys les unes que les autres et se castagner avec des affreux, à moins que celui qui se battait, des deux, c’était peut-être l’autre-là, Dany, tu sais, celui qui venait des US et n’avait aucun savoir-vivre, enfin, pas le même que le Lord.

Bref. Ce ZX 81, j’en rêvais mais ce serait un rêve de plus qui ne deviendrait jamais réalité – autant prendre tout de suite les « bonnes » habitudes – et finirait par rejoindre tout ce paquet de choses inaccessibles qu’on traîne dans ses désirs {pour moi, entre autres, un abonnement à la revue des Castors Juniors ; un blouson de cuir — bon je finirais par en avoir un, pas en cuir mais en Skaï, acheté sur le marché du mercredi de M* mais quand même, et qui me donnerait l’impression durant quelques mois d’être une terreur avant que je m'aperçoive que personne, vraiment personne, ne prêtait attention à moi parce que les vraies terreurs du collège, si elles portaient bien un blouson noir, elles se frittaient surtout à la sortie et à coups de chaîne de vélo (c’était quand même bizarre, quand tu y penses, comme loisir d’après l’école) ; une mobylette 103 SP — c’était le grand truc, la 103, avec le blouson, mais je finirais par m’apercevoir que bon, finalement, ça m’aurait servi à quoi, d’être un rebelle en mob ? ; un synthétiseur Korg pour devenir une rock-star comme Jean-Michel Jarre ; etc.  etc. je cesse là ça finirait par faire Prévert et puis quand même, autant ne pas se ridiculiser à tout jamais} jusqu’à je crois la fin de tout, et heureusement.