Aller au contenu principal

Une nostalgie Woodstock #2

Nous avions appris qu'il se passerait quelque chose vers là, au tournant de la mi-août, par une rumeur, une affiche, des plans que l'on se passait sur les campus, dans les bars et autour des feux de camps où nous étions chaque nuit la musique et le vent, nous avions entendu parler de ces trois jours de paix qui devaient se dérouler dans un trou perdu dont personne jamais n'avait entendu le nom, qui était par là-bas, vers le nord de l'état, nous avions décidé comme cela, sur un coup de tête, un coup de folie, que nous irions, et cela tombait bien parce que c'était se donner un objectif au creux de cet été dont nous ne savions pas quoi faire, dont personne ne savait comment il se terminerait, dans la lente immobilité de son ennui qu'on aurait cru mortel parfois.

Un matin, deux jours avant, nous nous sommes entassés dans nos voitures, nous avons poussé dans le coffre le minimum nécessaire et peut-être même moins, le hasard suffirait, pourvoirait à nos besoins vitaux, nous avons claqué les portières, démarré, la route était une promesse grise et jaune que déroulait l'auto-radio poussé à fond, et nous sommes partis ainsi à courir derrière l'horizon plat comme un jour sans fin en laissant derrière ce que nous sentions craquer d'un très vieux temps arrivé tout au bout de ses propres illusions. Je me souviens, les filles riaient, et nous aussi, et plus rien n'avait d'importance, que d'être là où se rendaient les autres aussi, et leurs enfants déjà nés ou à naître encore (...)