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Le tout premier #2

Je n'en connais plus l'ordre puisque c'est loin maintenant et qu'il n'y a nulle logique, des hasards seulement, et les pochettes aussi qui étaient toutes promesses, les feuilleter avec ce geste c'était rêver déjà, entendre déjà, être dans l'ailleurs qui nous manquait, le jaune ici était soleil et puis un or, cette impression d'avoir trouvé un vrai trésor, ce rouge aussi, du sang peut-être, le sang, la sueur, le sexe, le bruit, toute la fureur — il m'arrivait souvent de n'écouter qu'une seule plage, toujours la même, de tout l'album réduit plus simple à quelques minutes seulement, un concentré, le morceau commence doucement et c'est un orgue, on se croirait dans une église, presque celle là-haut où j'étais un enfant de choeur, j'imagine ça, les chevelus dépoitraillés serrés dedans leurs pantalons qu'on leur voyait tout l'appareil au beau milieu du choeur à entrer dans leur transe de rage, ça t'aurait une gueule, le crescendo, la batterie qui rapidement démarre avec cette voix d'écorché vif, cette voix de damné, ils devaient l'être maintenant d'avoir poussé toutes les limites, qu'était-ce donc que leurs vies, je crois que mon instant est quand cette batterie devient comme une mitraillette et que je crois qu'elle tire tout ce qu'elle peut sur l'orgue, ce morceau-là a été bouffé par le diamant passant et repassant, elle grésille tant qu'on dirait un orage, je me demande s'ils y repensent souvent, à leurs concerts, à ce qu'ils jetaient sur la scène, je me demande ce qu'ils ont laissé d'eux dessus la route qu'on oublie là et qui ne peut jamais revenir, les guitares chargent maintenant, il n'y aura pas de quartiers.