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Le tout premier

Le tout premier — conseillé en quatrième par ce grand gars que je n'ai jamais revu sympathique et ami de tous et qui avait prénom en Jean-je-ne-sais-plus-quelque-chose, repéré dans les rayons du supermarché le mercredi qui était jour traditionnel des courses et où toute l'histoire était de s'échapper de derrière le caddie qu'on était chargé de pousser, trouvé, retourné, regardé, et puis planqué là où personne n'irais à le chercher pour que, quand la somme patiemment amassée, je puisse le retrouver, le mieux c'était dans les disques classiques, entre les pochettes jaunes Deutsche Grammophon, je pensais que personne jamais, je pensais les deux mondes étanches, je sais maintenant qu'il n'en est rien mais là je l'ignorais, moi revenant une bonne quinzaine après heureusement il était là encore, quand même, le tout premier de tous mes disques et sa pochette je l'ai toujours au fond de l'œil et je n'y comprends toujours rien, je n'y comprenais rien, à cette image, à toute cette musique, et aujourd'hui encore, c'est une question, une impression : il aurait fallu être là, dans ce temps-là, dans ces salles de concert et puis voir ça, ça aurait sans doute changé toute la vie, je sens qu'il y a eu cette sorte de rupture et que je l'ai ratée, que ce qu'il reste n'est rien, je l'ai encore, il est là-bas rangé dessus une étagère, si je vous dis que mon titre préféré est le moins dur, et le plus lent, qui voudra bien me croire comme m'écouter sans rire ?