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Pilotis

C'était seul moyen de ne pas finir tous ensablés  : nous poussions nos constructions toujours devant, les pilotis appuyés sur le peu de ferme trouvé servant d'appui au premier niveau qui lui-même supporterait le second, ce dernier réservé aux lieux de sommeil et de mort - c'était quasi les mêmes.

Derrière, le sable venu d'on ne savait où, qui grain à grain recouvrait la planète, avalait à mesure l'arrière des bâtisses que devant nous avancions, la difficulté principale étant que la partie émergée soit toujours assez longue pour nous contenir tous puisque nous abandonnions et condamnions systématiquement la partie avalée et devenue invivable, personne ne résistant longtemps à cet étouffement des yeux que provoquait l'absence de toute lumière naturelle.

Tous, nous pensions souvent à ce que nous laissions ainsi derrière, dans ces parties laissées vides et qui sur l'arrière de nos vies faisait maintenant d'immenses tunnels devenus invisibles et creux et dont la longueur dépassait notre mémoire collective. 

Certains, plus courageux, se demandaient ce qu'il adviendrait si, dans notre avancée, nous venions à rencontrer quelque océan dont de vieilles histoires prétendaient qu'il en existait devant ou, pire encore, ce que nous ferions dans le cas où nous toucherions au commencement du monde d'où nous venions.

Photo : François Bon